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à peine ouverte un désaveu éclatant à la mémoire paternelle, il ne pouvait guère se dispenser de défier Marie-Thérèse en réclamant, dès le premier jour, la qualité d’archiduc d’Autriche et de roi de Bohême, de représentant, en un mot, de tous les droits de la maison de Habsbourg. Mais ces orgueilleuses qualifications ne l’empêchaient pas de se trouver seul et dénué de toutes ressources personnelles en face de ses provinces ruinées et de son trésor mis à sec, pendant que les armées autrichiennes, campées sur le sol même de son patrimoine, menaçaient sa capitale tout ouverte. Pour leur tenir tête, il ne pouvait compter avec confiance ni sur sa propre armée en mauvais état et mal commandée, ni sur le petit corps de troupes françaises du marquis de Ségur, que la prudence obligeait à rester sur une stricte défensive. Nul espoir à fonder non plus, pour sortir de cet état précaire, ni sur la protection du cabinet de Versailles, qui était resté sourd aux derniers appels d’une voix mourante, ni sur le concours d’alliés qui avaient bien promis leur appui au chef de l’empire, dans l’intérêt commun du corps germanique, mais nullement à l’électeur de Bavière pour le soutien de ses revendications personnelles. C’était donc l’abandon et l’indigence aujourd’hui, peut-être demain la captivité ou l’exil. Quel trouble de telles perspectives ne devaient-elles pas jeter dans l’âme d’un enfant, et quelle fermeté précoce ne lui aurait-il pas fallu pour en supporter l’angoisse sans fléchir !

Ce n’était peut-être pas dans l’étourdissement du premier jour, alors qu’à l’émotion sincère de la douleur filiale se mêlait le charme secret que cause toujours une grandeur imprévue, que l’orphelin pouvait sentir toute l’étendue de son malheur ; mais il avait à ses côtés un confident, placé auprès de lui par son père lui-même, qui ne pouvait se faire la moindre illusion. C’était le ministre de France, Chavigny, à qui Charles, en mourant, avait remis le soin de la destinée de son fils, et qui n’ignorait pas combien il était loin d’être en mesure de répondre à cette confiance. Personne ne connaissait mieux que Chavigny à quel degré de gêne et presque de misère était réduit, sous tous les rapports, pécuniaires aussi bien que militaires, le gouvernement électoral, car il ne cessait depuis plus d’un au d’être l’intermédiaire des demandes de subsides de toute nature transmises par l’empereur et par son épouse pour subvenir à tous leurs besoins, même personnels et domestiques, et de la nature la plus intime ; et l’accueil fait à Versailles en dernier lieu à cette mendicité constante n’avait rien qui l’encourageât à en renouveler les instances.

De plus, Chavigny était l’inventeur, l’inspirateur, l’âme de l’union de Francfort ; c’était lui qui avait tenu la plume pour en rédiger l’acte définitif. Il ne pouvait ni penser lui-même, ni faire croire à