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manœuvre en sens contraire était tentée à Vienne avec autant d’activité et de résolution. La nouvelle de la mort de l’empereur y était à peine connue, que Marie-Thérèse, par l’intermédiaire du nonce du pape, faisait offrir la paix à sa tante l’impératrice. La proposition fut envoyée par elle le jour-même où, déjà prise des douleurs de l’enfantement, l’infatigable princesse attendait la naissance d’un sixième enfant, qui devait être son second fils. La communication dut arriver à Munich avant que l’impératrice, obligée par l’étiquette (et n’étant peut-être pas fâchée de l’être) de ne recevoir personne pendant les premiers jours de son deuil, eût pu donner audience au ministre de France. Marie-Thérèse comptait, et non sans raison, sur le désir que devait éprouver une mère d’assurer la sécurité des jours et du pouvoir de son fils, et une archiduchesse d’Autriche de rentrer en paix avec sa famille. Mais quand les conditions demandées, ou plutôt imposées, furent connues, la noble veuve resta consternée et osa à peine les faire connaître au jeune prince. Renonciation à toute prétention, soit à l’empire, soit à la moindre parcelle de la succession d’Autriche ; adhésion pure et simple à la pragmatique sanction ; promesse de la voix électorale de Bavière pour le grand-duc ; rupture immédiate de toute alliance avec la France ou avec la Prusse ; engagement de prendre part à la défense de la liberté germanique contre l’étranger : tel était l’ultimatum dicté par Marie-Thérèse, et dont les cours de Londres, de La Haye et même de Saxe, quand elles en eurent connaissance, cherchèrent vainement à faire adoucir la rigueur. A ce prix seulement, la reine offensée consentait à restituer les points qu’elle occupait encore dans l’électorat et à rendre à Maximilien la totalité de ses biens héréditaires, mais sans y ajouter un pouce de terre[1]. En attendant, les hostilités n’étaient pas suspendues, et si la soumission n’était pas faite à temps, l’envahissement de la Bavière, allait continuer et s’étendre, et la conquête deviendrait définitive. En réalité, ce n’était pas offrir la paix à un adversaire, mais bien la grâce à un coupable.

Une double partie était donc engagée : ici pour séduire et là pour intimider Maximilien, placé lui-même, pour son début dans la vie royale, entre deux voies contraires, comme le héros de la fable.

  1. D’Arneth, t. III, p. 8 et suiv. — (Correspondance d’Erizzo, ambassadeur de Venise à Vienne, février et mars 1745. — Chesterfield à Harrington, même date. (Correspondance de La Haye. — Record Office.) — Chavigny à d’Argenson, 4 mars 1745. — C’est ce jour-là seulement, un mois après la mort de l’empereur, que Chavigny obtient une audience de l’impératrice. Il fait semblant de ne pas comprendre la cause de ce long retard ; mais il est peu probable qu’il pût s’y tromper. On voit par une dépêche de l’ambassadeur de Venise, Erizzo, que dès le 29 janvier, jour où la mort de l’empereur fut connue à Vienne, ordre était donné au général des troupes autrichiennes en Bavière de poursuivre les opérations militaires avec la dernière vigueur, malgré les rigueurs de la saison.