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prenant exactement la même forme, celle d’un mémoire didactique mis sous le couvert d’un billet royal. — « Il semble, est-il dit dans ce mémoire, que le meilleur parti qu’on puisse prendre entre des alliés est de ne point entrer dans la discussion de certains faits qui ne peuvent causer que des reproches, et ces reproches de l’aigreur. Suffit que celui qui fait son apologie croit avoir besoin de se justifier. » — Partant de là, l’idée de rentrer en négociations avec le roi de Saxe au moment où il est déjà en armes aux portes de la Silésie y est repoussée avec dédain. Même accueil est fait à la promesse d’une diversion en Flandre, qui ne peut rien changer à l’état des affaires en Allemagne. — « Si les Espagnols, dit toujours le mémoire, font une descente dans les Canaries, que le roi de France prenne Tournay ou que Thomas Tuli-khan (sic) assiège Babylone, ces faits sont tout à fait égaux, et personne dans l’état n’est d’opinion que cela apporte le moindre changement dans la guerre de Bohême et de Moravie[1]. »

Bref, cette correspondance plus qu’aigre-douce se termine par l’exigence des trois points suivans : 1° marche immédiate de l’armée française du Bas-Rhin sur le Hanovre, seul moyen, dit Frédéric, de faire prendre une dose d’émétique à l’Angleterre ; 2° notification officielle faite à la Saxe, portant que l’entrée d’un seul de ses soldats en Silésie serait considérée par la France comme une offense personnelle, et, par conséquent, comme un cas de guerre ; 3° enfin, l’octroi d’un subside de 4 millions à prendre sur les fonds qui devaient rester libres depuis qu’on n’avait plus de pension à payer à l’électeur de Bavière. Chambrier eut ordre d’obtenir sur ces divers articles une réponse par oui ou par non[2].

C’était une instruction que l’envoyé prussien aurait été bien embarrassé pour exécuter, car, avant que la lettre qui le portait fût non-seulement arrivée à Versailles, mais partie de Berlin, le roi de France s’était mis en campagne pour la Flandre, les opérations militaires étaient déjà très vivement engagées, et comme il emmenait avec lui plusieurs de ses ministres, notamment celui des affaires étrangères, il était clair qu’aucune résolution définitive ne pouvait être prise ni même sollicitée avant que l’issue au moins des premiers engagemens ne fût connue.

Seulement, ce départ royal en lui-même était une réponse

  1. Observations sur les événemens de Bavière, 3 mai 1745. (Correspondance de Prusse. — Ministère des affaires étrangères.) — Pol. Corr., t. IV, p. 152. — Frédéric à Louis XV, 16 mai 1745. — Réponse au mémoire du roi de France. — Pol. Corr., t. IV, p. 158 et 166.
  2. Frédéric à Chambrier, 17 mai 1745. (Correspondance de Prusse. — Ministère des affaires étrangères.)