Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/593

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui donne 6 sous 8 deniers par jour dans l’infanterie[1], 6 sous 4 deniers dans l’infanterie légère et dans les régimens allemands, irlandais et liégeois (les Suisses ont un régime à part), 7 sous et 2 deniers dans les dragons et les chasseurs, 7 sous 4 deniers dans les hussards et 8 sous 8 deniers dans la cavalerie[2]. C’est peu, sans doute, car il ne faut pas seulement qu’il se nourrisse là-dessus, qu’il achète sa viande et ses légumes, le pain seul lui étant fourni à raison de 2 sous la livre et demie[3], il faut encore qu’il prélève sur sa solde tant pour sa coiffure, tant pour son blanchissage et son tabac, tant pour la chandelle et le balai dans les chambrées ; pour le sel de la soupe, pour l’entretien de ses guêtres, chemises, cols, cocardes, bas, souliers et boucles, pour le noir de ses guêtres et de sa giberne, et pour le blanc de sa buffleterie[4]. Et, dans les grandes villes, avec tous ces petits frais, il a peine à joindre les deux bouts[5]. Il y arrive pourtant, et la preuve, c’est qu’il rengage. De même, pour son costume, il n’a que le nécessaire, et il l’a tout juste : « un habit tous les trois ans, un chapeau tous les deux ans, une culotte tous les ans. » Mais il l’a, et avec de l’ordre et de la propreté, il peut encore s’en tirer. — Le pire, dans sa condition, c’est le logement : « Gardez-vous, dit le rédacteur de l’Encyclopédie méthodique, d’être séduit par l’extérieur de quelques casernes, pénétrez dans les chambrées, et vous verrez là entassés trente ou quarante soldats et quelquefois davantage pour

  1. Ordonnance du 17 mars 1788.
  2. En temps de guerre, il recevait une ration de pain un peu plus forte, et, dans les années de disette, le roi en prenait souvent la fourniture entière à sa charge. En 1751, ce supplément lui avait coûté plus de 1,150,000 francs ; on 1769 et 1770, il s’était élevé à 2,213,990 francs. (Voir Mémoires de Choiseul.)
  3. Ce pain était-il d’aussi mauvaise qualité que beaucoup d’écrivains l’ont prétendu ? Je ferai simplement observer ici qu’on 1790, la question ayant été portée devant l’assemblée constituante, celle-ci crut devoir décider, sur la proposition de son comité militaire, que « la fourniture du pain continuerait à se faire suivant les anciennes ordonnances. »
  4. Voir Encyclopédie méthodique, au mot Désertion, et Servan : le Soldat-citoyen.
  5. Le conseil de la guerre supprima toute espèce de dépenses relatives à la tenue. Il avait aussi, dans un sentiment d’humanité qui l’honore, essayé d’améliorer la condition matérielle et morale du soldat en lui donnant dans les garnisons la jouissance d’un certain nombre de jardins et en ouvrant à ses dis un débouché par la création de l’école dite des Orphelins militaires. Une autre école d’éducation militaire, fondée par une ordonnance du 10 août 1780, l’École des enfans de l’armée, existait déjà à Liancourt. Destinée à recevoir cent enfans d’invalides Agés d’au moins sept ans, elle avait été placée sous la direction du duc de Liancourt. L’enseignement y était donné par un capitaine et par un lieutenant d’invalides, assistés de plusieurs sous-officiers également invalides. A seize ans, les élèves devaient être incorporés dans un régiment.