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plus toujours reconnaître chez lui les mêmes qualités. La plupart des visages connus qui se trouvent rassemblés dans la Leçon clinique n’y sont point ressemblans ; la précision qui leur eût donné une valeur historique leur fait constamment défaut, et, par malheur, pour dissimuler la monotonie de leurs attitudes et la raideur de leurs vêtemens noirs, M. Brouillet ne possède point encore, dans le maniement de la lumière, la dextérité qu’on doit reconnaître à M. Gervex. Ni concentration d’effet, ni unité d’ensemble, ni exactitude des détails, c’est vraiment trop peu pour une œuvre de cette taille, où cette hâte d’improvisation, que trahissent presque toutes les peintures du Salon, se manifeste par des négligences trop visibles. M. Brouillet est un des jeunes gens dont les débuts promettaient un artiste attentif et difficile pour lui-même, c’est-à-dire capable de progresser bien et longtemps ; il jouerait un jeu dangereux pour son avenir en renouvelant de telles expériences.

La recherche d’une mise en scène plus sévère et d’une expression intellectuelle plus marquée signale un troisième tableau médical, la Vaccine de la rage, dans le laboratoire de M. Pasteur, par M. Laurent Gsell. L’éclairage y est toujours donné par le jour à la mode, ce jour de fond, qui, en frisant de lueurs vives les profils des figures, les fait aisément saillir sur les fonds plus ou moins opaques en les cernant d’un trait clair et rayonnant ; mais ici ce jour, mieux tamisé, est aussi plus finement distribué. Les personnages, moins nombreux et plus attentifs, s’intéressent plus sérieusement à l’action que chez M. Brouillet ; ils nous intéressent donc davantage. Une autre étude de M. Laurent Gsell, les Boulangers, prouve que cet artiste se rend bien compte du rôle expressif ou dramatique que peut remplir la lumière naturelle ou artificielle dans une scène contemporaine, et de quel secours elle peut être pour simplifier, transformer, agrandir la réalité. La question est d’ailleurs à l’ordre du jour ; aussi les boulangers qui travaillent à la lueur des fours, ont-ils au succès notable. Il en est de même de tous les ouvriers dont la besogne se fait dans un milieu d’ustensiles, d’instrumens, de machines, aux silhouettes bizarres, où des lueurs de fourneaux, de forges, de fours entremêlent des éclairs et des reflets qui se combattent. Les usines et les ateliers sont, en effet, pleins de tentations pour des coloristes. La Forge, de M. Menzel, qui fut si remarquée à l’Exposition universelle en 1878, sert aujourd’hui de modèle à plus d’un. M. Rixens s’en souvient dans son Laminage de l’acier, où un groupe de rudes ouvriers, aux torses nus, est en train d’enfourner une énorme tige d’acier incandescent. L’effet est juste, vivement rendu, mais