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guerre des officiers de réserve. Dans l’armée combattante, il n’y a aucune parité entre ces deux ordres d’officiers. Les premiers font de l’état militaire leur unique carrière ; ils font de l’art militaire à tous ses degrés le sujet constant de leurs préoccupations, de leurs études, ils vivent au milieu de leurs soldats et le régiment est leur famille. Les seconds, à l’exception des officiers retraités nommés lieutenans ou sous-lieutenans de réserve, après quelques années de service dans l’armée active, ont quitté l’état militaire pour exercer les professions les plus diverses, et c’est à l’exercice de ces professions qu’ils consacrent leurs principales préoccupations. Il y a donc une très grande différence d’instruction technique, de savoir spécial, d’expérience entre les uns et les autres, et il est tout naturel que les officiers de la carrière forment presque exclusivement le contingent des hauts grades, tandis que les officiers de réserve sont, pour la plupart, confinés dans les grades inférieurs.

Pour la médecine, les conditions sont absolument différentes. Médecins militaires et médecins civils suivent la même carrière. Pendant la paix, ils acquièrent auprès du lit de leurs malades, qu’ils soient soldats ou ouvriers, les mêmes connaissances pratiques, et ils fortifient ces connaissances techniques par la lecture des mêmes livres scientifiques. Pendant la guerre, les uns et les autres appliquent aux blessés et aux malades des connaissances identiques acquises pendant la paix. S’ils diffèrent entre eux, ce ne saurait être par le grade militaire, qui n’est rien, ou par l’ancienneté, qui est peu de chose en médecine, c’est par la science et l’instruction pratique qui seules font la valeur plus ou moins grande du médecin.

En cas de mobilisation, la situation de l’officier de troupe doit être en rapport avec ses capacités militaires ; la situation du médecin, dans l’armée mobilisée, doit être, avant tout, en rapport avec sa valeur médicale. L’organisation de la médecine militaire en temps de guerre soulève donc un problème fort difficile à résoudre. La loi militaire l’a résolu d’une manière des plus simples. D’après elle, le médecin civil, quelles que soient sa situation dans le monde scientifique, l’importance de ses travaux, sa valeur personnelle comme médecin, quelle que soit même sa position officielle dans la carrière civile, ne sera rien ou ne sera que peu de chose dans l’armée mobilisée, et il n’y occupera que les situations les plus infimes. Quant au médecin militaire, quelque inconnu qu’il puisse être dans la science, quelque négative que puisse être sa valeur médicale, il dominera, commandera, dirigera des médecins qui, tout en étant médecins civils, lui seront parfois absolument supérieurs en connaissances théoriques et pratiques, en valeur scientifique et professionnelle.