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met encore au-dessus de ce dévoûment sans réserve le courage réfléchi du soldat de nos armées modernes, qui, n’obéissant qu’à la loi, voit encore dans la patrie, en mourant pour elle, la plus haute expression et l’image la plus sacrée de la famille. Étrange problème en vérité que celui que cette figure si originale propose au moraliste qui en voudrait expliquer les contrastes ! Pourquoi faut-il que cette hauteur de pensée, cette noblesse de sentimens, qui respirent dans l’écrit de Maurice dès qu’il touche à son cher métier des armes, soient toujours restées en quelque sorte reléguées dans ce coin de son intelligence et de son cœur, et que, sauf les jours de combat, le reste de sa vie et de ses actes y ait toujours si peu répondu ? Pourquoi, à part ces devoirs militaires, si largement conçus et vus de si haut ; n’a-t-il jamais su s’astreindre à aucune autre obligation, je ne dis pas de conscience, mais seulement de décence et de dignité ? Pourquoi faut-il qu’on ait dû le voir jusqu’à son dernier jour, et quand ses faiblesses n’avaient plus l’excuse de l’âge, livré à de grossières convoitises et ne reculant devant aucun moyen pour les satisfaire, recherchant des compagnies d’un libertinage vulgaire, et, afin de suffire aux prodigalités de ses débauches, condamné à se montrer souvent plus avide encore d’argent que d’honneurs ? L’infime nature humaine comporte-t-elle donc ce mélange de misère et presque de bassesse avec des éclairs de grandeur, et faut-il à quelques âmes, pour sentir vibrer en elles des cordes généreuses, l’émotion du péril et de la gloire ?

Ayant si bien réussi à conserver à la France ses premières conquêtes, il n’appartenait évidemment qu’au maréchal de Saxe de les continuer et de les étendre. Le commandement de l’armée de Flandre, pendant la campagne qui allait s’ouvrir, lui était donc dévolu par un consentement unanime ; et le roi lui-même, en se proposant de se joindre à lui, n’avait pas la pensée de le lui disputer. Il vint donc à Paris aussitôt que ses troupes furent hiver nées, moins pour jouir de ses succès que pour arrêter les mesures nécessaires aux efforts qu’il méditait encore. Rien n’égalait la légitime considération dont il se vit entouré. Un don de 100,000 écus lui fut octroyé pour sa bienvenue, à prendre sur les nouveaux impôts qu’on devait lever pour la continuation de la guerre. On fut même un instant tenté, l’ayant vu subitement se transformer à vue d’œil en prudent capitaine, de compléter cette métamorphose en faisant de lui un négociateur et un personnage politique. C’était le moment où on essayait de déterminer Auguste III à se mettre en avant pour rechercher la dignité impériale. L’élévation de la maison de Saxe ne pouvant être désirée par personne plus que par celui qui en sortait et qui en portait le nom, Maurice fut engagé à faire