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En second lieu, le souverain-pontife a compté sur l’appui de l’empire pour ses revendications contre l’Italie. Il s’est flatté que le nouveau Charlemagne allait venir le protéger contre un autre Didier. M. de Bismarck ne fait jamais métier de protecteur, pas même d’arbitre ; il est courtier de son état, c’est lui qui le dit. Ses courtages ne réussissent pas toujours, mais il les fait toujours payer comptant. On a vu plus haut quelle est sa situation réelle vis-à-vis des deux cliens qui plaident devant lui. Il tient la balance par le centre du fléau, il borne son action à des pressions alternatives sur les deux bras de ce fléau, pour maintenir l’équilibre ; il n’aura garde de charger brusquement l’un des plateaux. Cependant, le temps presse ; si le chancelier ne donne pas une sanction effective à ses bonnes paroles, ce n’est point l’Allemagne qui se souciera de les ratifier après lui. Pense-t-on que, d’ici à quelques années, sa politique générale lui permette de sacrifier l’Italie pour restaurer le trône pontifical ? Si ce miracle doit s’accomplir, nos défiances sont bien injustes. Nous l’attendons. S’il ne s’accomplit pas, le plus clair bénéfice de l’intervention allemande aura été d’envenimer les rapports entre la papauté et le royaume, de retarder et de rendre plus difficile la réconciliation de famille, l’accord direct dont on envisageait la possibilité au début de cette étude.

Reste la considération déterminante pour le cœur du saint-père, la pacification de l’église d’Allemagne. Ici, il faut se rendre, le résultat est obtenu. Mais ne l’eût-il pas été sans les démarches complaisantes de la curie romaine ? M. de Bismarck était arrivé à un de ces tournans de sa politique parlementaire où il a besoin à tout prix de l’appoint d’un groupe malmené jusque-là. Cette fois, il s’agissait du groupe catholique. On peut croire que le chancelier était décidé d’avance à lui céder dans la mesure nécessaire pour s’assurer le vote du septennat. Si, par impossible, la papauté n’existait pas, si M. Windthorst n’était que le chef d’une secte presbytérienne assez forte pour envoyer cent députés au Reichstag, M. de Bismarck n’en eût pas moins négocié directement avec ses adversaires, comme il l’a fait tant de fois ; il eût consenti les mêmes concessions, sans prendre la peine d’aller les faire viser à Rome. Nous ne sachons pas qu’il ait coutume de s’informer du nom du marchand quand il a quelque chose à acheter. Il a mis la papauté en tiers dans le contrat parce qu’il lui convenait, pour mille raisons, d’acquérir cette force, parce qu’elle lui facilitait le marché ; peut-être eût-il cédé davantage à la résistance têtue des catholiques allemands. Je veux bien que, pour faire acte de courtoisie, il ait accordé quelques points secondaires aux négociateurs du saint-siège ; c’est là une menue monnaie diplomatique ; mais sur le fond du débat, avec ou sans intervention du pape, les catholiques avaient