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discours de ces prélats. Ils respirent le contentement du présent, la confiance dans l’avenir ; ils chérissent leur pays, leur gouvernement, leur temps ; ils parlent avec un respect sincère des droits de leurs concitoyens d’une autre foi, avec enthousiasme des progrès de la science laïque ; ils trouvent tout possible, tout facile. L’épiscopat américain va fonder à Washington une université catholique ; il se propose d’y instituer des chaires d’assyriologie, d’égyptologie, pour éclairer l’exégèse biblique ; il projette d’y appeler un des professeurs anglais les plus notoirement dévoués aux idées de Darwin. Quand on presse les paroles de ces Anglo-Saxons, qui apportent dans les choses religieuses l’audace et le sens pratique de leur race, on découvre au fond de leur pensée une pointe d’ironie contre les gens du vieux monde, qui ne savent ni s’accommoder aux circonstances ni les accommoder à leur volonté. Et l’on ne peut s’empêcher de songer que la réforme, dans ce qu’elle eut de légitime et de nécessaire, a trouvé après (rois siècles son accord avec l’autorité traditionnelle dans ces esprits si librement soumis. Par d’autres côtés, ils nous ramènent à la primitive église. Un de ces évêques exposait ses hésitations sur le type architectural à adopter pour les édifices religieux d’Amérique. « Chez nous, disait-il, chacun veut entendre la parole de l’orateur et voir l’autel du sacrifice ; il ne faudrait ni bas-côtés plongés dans l’ombre, ni hautes voûtes qui dispersent la voix ; je crois que nous devrons revenir aux dispositions de la basilique. » Voilà un rapprochement, entre bien d’autres, qui contraint l’esprit à d’infinies méditations. Tout ce que ces hommes racontent de leur église nous conduit à la même conclusion : c’est quelque chose qui commence en continuant. Après ces trop courtes indications, on comprendra mieux l’attitude prise par le clergé américain dans la question sociale. Ceci nous ramène à la seconde des évolutions que nous étudions dans l’église.


IV

Quand cette question sociale s’est dressée devant elle, l’église a pu balancer un instant ; protectrice des misérables, sa mission séculaire l’obligeait envers eux ; mais une partie de sa clientèle conservatrice lui demandait secours contre le monstre et le dénonçait à ses anathèmes. Les autorités religieuses se renfermèrent d’abord dans leur réserve habituelle ; elles se bornèrent à condamner en termes généraux les mauvaises doctrines, à recommander plus vivement l’assistance et la charité. Bientôt quelques