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Le défaut des deux derniers actes, surtout du second, c’est la vulgarité, et, curieuse rencontre, une vulgarité qui n’exclut pas la recherche : recherche d’harmonie, recherche d’orchestration. Le commencement de l’acte verse dans l’opérette, la suite vise à l’opéra ; au début, petite musique ; grosse musique à la un. L’œuvre s’annonçait avec grâce, avec charme ; la voilà qui s’encanaille. Chez le palatin Laski, on danse comme chez un podestat de M. Lecocq, ou dans l’Olympe d’Offenbach. Bon Dieu, quelle sauterie ! Le « noble comte » a l’air d’un ivrogne ; il engloutit les sorbets avec une avidité qui ne fait pas rire ; on s’attend à voir ce fantoche relever sa robe d’hermine et risquer un pas douteux. La valse de Madame Angot était une pantomime de prêtresses à côté de cette valse, où l’on retrouve, syncopés avec rage, le Bacio d’Arditi, l’ouverture de la Gazsa Ladra et des motifs de Strauss. Décidément, que M. Chabrier se défie d’une certaine brutalité qui est au fond de son talent et trop souvent remonte. Je sais bien qu’il aura sans doute ici travaillé pour le public et non pour la petite église ; il se sera dit, le musicien d’Henri III, avec Henri IV, que Paris valait bien une messe ; il a mis de l’eau dans son vin, mais cette eau n’est pas pure. L’opéra comique veut de la franchise et de la clarté, mais une clarté moins crue. Oui, tout cela est cru, tout cela est gros même, et surtout certains couplets de Henri, avec ritournelles de basson. Rien n’est périlleux comme l’emploi de cet instrument dans la musique bouffe : il peut être spirituel ; mais quand il est bête, il l’est lourdement. Il faut, d’ailleurs, se défier des gaîtés instrumentales et n’en user qu’avec prudence. Offenbach connaissait très bien les ressources comiques de l’orchestre ; je me souviens, dans la Belle-Hèlene, d’une clarinette désopilante. M. Gounod, au troisième acte du Médecin, a trouvé aussi certains effets de flûte et de basson très plaisamment imitatifs. L’orchestre de M. Chabrier est moins spirituel. Et puis, nous autres Français, pour mettre en musique un imbroglio, une pièce très intriguée, nous manquons décidément de la verve puissante, du diable au corps italien. Rossini disait qu’il n’eût jamais écrit le finale de la Vente, de la Dame blanche ; mais il a écrit le finale du Barbier. Mozart, cet Allemand à demi Italien, a écrit le finale des Noces de Figaro, et Boïeldieu n’eût jamais écrit ni l’un ni l’autre.

Sauf une chanson de Minka, rapsodie tzigane très vibrante et très sifflante, que termine comme à coups de fouet l’inévitable cadence de la musique bohème, le second acte du Roi malgré lui n’est pas bon. Le duo d’Henri et de la désagréable duchesse n’est pas à sa place. Nous n’avons que faire de ces fadeurs sentimentales, de ces réminiscences de gondole et de clair de lune ; aussi bien, la mélodie principale de ce duo manque d’originalité ; on la prendrait pour la barcarolle des Contes d’Hoffmann. Quant aux grands ensembles de la