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tique des partis extrêmes ! Les radicaux, il est vrai, n’ont pas eu jusqu’ici un brillant succès avec leurs inventions, ils ont jeté leurs histoires et leurs polémiques au vent sans résultat ; mais ils ne se découragent pas, et, à défaut de commérages qui ne sont que ridicules, ils ont d’autres armes sur lesquelles ils comptent un peu plus. Ils se sont hâtés de tirer de leur arsenal toute sorte de propositions et de projets avec lesquels ils pensent bien attirer le ministère dans quelque piège, lui créer tout au moins des embarras, en réveillant les susceptibilités et les ombrages républicains. Ils ne parlent plus pour le moment ou ils ne parlent pas encore d’économies : en attendant, ils ont le projet de réforme du sénat de M. Labordère, qui vient d’essuyer un premier échec et qu’ils ne se disposent pas moins à reprendre ; ils ont un projet de création de délégués mineurs qui serait la machine la plus propre à désorganiser le travail des mines ; ils ont surtout la loi militaire. Ils ont tous les produits de la politique radicale qu’ils s’empressent de remettre au jour, et il est bien clair qu’en rouvrant hâtivement, confusément toutes ces discussions, ils ne se demandent même pas si ces projets sont d’un intérêt pressant, s’ils ont quelque chance d’être adoptés : ils poursuivent tout simplement une campagne de ressentiment et de destruction ou d’obstruction, sans s’apercevoir qu’ils peuvent bien créer quelques ennuis à un ministère qu’ils n’aiment pas, mais qu’ils font sûrement encore plus de mal au pays par leurs prétentions vaines, par leurs manies agitatrices.

De toutes ces discussions bruyantes du Palais-Bourbon, la plus inutile, la plus dangereuse assurément, est celle qui a été, qui est encore engagée sur la loi militaire, et qui n’a été si précipitamment reprise il y a quelques jours qu’avec l’intention visible d’embarrasser dès son premier pas le nouveau ministère. Elle est inutile, au moins pour le moment, et ce qu’il y a de plus curieux, c’est que ceux-là mêmes qui se sont montrés si pressés, qui ne veulent pas perdre une heure, n’en doutent pas. Ils jouent sincèrement si l’on veut, avec la sincérité d’esprits étroits et passionnés, une véritable comédie, pour se donner un air de grands réformateurs. Ils savent bien au fond qu’ils poursuivent une œuvre vaine, plus bruyante que pratique, qu’ils n’arriveront pas de sitôt à expédier cent articles de loi, à discuter cent amendemens, que même, quand ils seront au bout, leur loi devra aller au sénat, qui vraisemblablement ne l’acceptera qu’après les plus sérieuses modifications, que tout ce travail implique de longs délais, — peut-être deux ans, — et d’ici là qui peut dire ce qui sera arrivé ? M. le ministre de la guerre le sent si bien que, tout en paraissant se prêter aux désirs de ces étranges réorganisateurs de l’armée, il vient de proposer une série de lois partielles sur lesquelles il a consulté, quant à lui, le conseil supérieur de la guerre, et qui lui permettront de réaliser quelques-unes des réformes les plus urgentes, les moins contestées. En