Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/525

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indiquait ses étapes sur la route qu’elle prendrait et désignait les dames qui devraient l’accompagner.

Reçu par ses troupes avec enthousiasme, le grand-duc se rendit droit à Mayence pour s’entendre, sur la convocation immédiate de la diète électorale, avec l’archevêque, à qui, en qualité de chancelier de l’empire, appartenait le droit de la présider. Il y fut accueilli avec les honneurs et y parut dans l’attitude d’un souverain. — « Le grand-duc est arrivé, écrivait le résident de France, il est entré à cheval avec une suite de cent personnes, au bruit de l’artillerie et des acclamations du peuple. L’électeur l’a reçu à la porte de la cour et s’est tout de suite enfermé une demi-heure avec lui. On a été après à La Favorite (maison de campagne de l’électeur), où on a dîné. La table était de trente couverts. Le grand-duc donna une tabatière d’or aux chambellans, et à chacun des deux pages qui ont servi à table, une montre d’or. » — De petits princes qui étaient présens, le landgrave de Hesse-Darmstadt entre autres, passèrent devant lui en s’inclinant pour lui baiser la main. Dans les rues qu’il traversait, les habitans mettaient à leurs chapeaux une branche verte, couleur de la livrée de la maison d’Autriche.

A Londres, l’évacuation de l’Allemagne par l’armée française parut un événement si décisif et si surprenant qu’on ne pouvait l’expliquer qu’en supposant la perte d’une grande bataille, dont l’annonce et même le détail furent affichés dans toutes les tavernes de la cité. A Berlin, ce fut le signal de la plus vive irritation et d’un véritable déchaînement contre la France. — « Tout le monde veut quitter la France, écrivait le chargé d’affaires qui tenait la place de Valori, puisqu’elle ne pense plus qu’à elle. Si le maître pensant comme tout le monde, nous serrons bientôt plantés là. » — Le maître pensant absolument comme ses serviteurs, le résultat ne devait pas se faire attendre[1].


DUC DE BROGLIE.

  1. D’Arneth, t. III, p.75. — Blondel à d’Argenson, 16 juillet 1745. (Correspondance de Mayence.) — Loise à d’Argenson, 10 juillet 1745. (Correspondance de Prusse.) — Latouche, agent secret en Angleterre, à La Ville, 10 juillet 1745. (Correspondance d’Angleterre.) — Saint-Severin à d’Argenson, 15 juillet 1745. (Correspondance d’Allemagne. — Ministère des affaires étrangères.)