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nous. Fortifiez vos prières par des jeûnes et des aumônes : ce sont là les ailes par lesquelles la prière s’envole jusqu’à Dieu. Si vous agissez ainsi, vous nous serez peut-être plus utiles que nous ne le serons à vous-mêmes ; car aucun de nous, dans la discussion qui va commencer, ne compte sur lui, et toute notre espérance est en Dieu. » Ces paroles en rappellent d’autres, qui furent prononcées dans des circonstances aussi solennelles. En 1681, au moment où Louis XIV rassemblait le clergé de France pour résister aux prétentions du pape, et qu’un schisme était possible, Bossuet, chargé de prononcer le discours d’ouverture, parla aux fidèles à peu près comme avait fait saint Augustin dans l’église de Carthage : u Ames simples, âmes cachées aux yeux du monde, et cachées principalement à vos propres yeux, mais qui connaissez Dieu et que Dieu connaît, où êtes-vous dans cet auditoire, afin que je vous adresse ma parole ? .. Je vous parle sans vous connaître, âmes dégoûtées du siècle ; ah ! comment avez-vous su en éviter la contagion ? Comment est-ce que cette face extérieure du monde ne vous a pas éblouies ? Quelle grâce vous a préservées de la vanité, de la vanité que nous voyons si universellement régner ? Personne ne se connaît, on ne connaît plus personne. Les marques des conditions sont confondues ; on se détruit pour se parer, on s’épuise à dorer un édifice dont les fondemens sont écroulés, et on appelle se soutenir que d’achever de se perdre. Ames humbles, âmes innocentes, que la grâce a désabusées de cette erreur et de toutes les illusions du siècle, c’est vous dont je demande la prière… Priez, justes, mais priez, pécheurs ; prions tous ensemble ; car si Dieu exauce les uns pour leur mérite, il exauce les autres pour leur pénitence : c’est un commencement de conversion que de prier pour l’église. » La conférence de Carthage, où saint Augustin occupa la première place, tourna tout à fait à l’honneur des catholiques. L’envoyé de l’empereur se décida pour eux ; l’opinion publique, qui fut mise au courant du débat par la publication des procès-verbaux, ratifia le jugement du comte Marcellinus, et l’on put croire que le schisme était fini. — C’est précisément le moment où l’église fut amenée à prendre les décisions les plus graves et les plus dangereuses pour elle.

Il restait moins de donatistes, mais c’étaient les plus violens et les plus rebelles, des gens sur lesquels l’éloquence et la dialectique n’avaient aucune prise. Il fallait donc renoncer à discuter avec eux. Dès lors, il ne restait qu’un moyen de les ramener dans l’église : charger de ce soin l’autorité civile, essayer d’obtenir par la crainte des châtimens ce que la raison n’avait pu faire. L’intervention de l’empereur dans les choses religieuses semblait naturelle à Rome ; le paganisme y avait habitué tout le monde. Cela est