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progrès de l’esprit humain ne pouvaient être produits que par la méthode théologique. Elle seule peut fournir une théorie provisoire, vague et arbitraire, mais immédiate et facile. En outre, les principaux progrès de la philosophie théologique, produits d’ailleurs eux-mêmes par le progrès de l’observation vulgaire, ont contribué à leur tour, par une réaction nécessaire, à accélérer ces progrès. Sans le passage du polythéisme au monothéisme, les théories naturelles n’auraient jamais pu prendre aucune extension. Cette admirable simplification de la philosophie théologique réduisait dans chaque cas particulier l’action de la grande puissance surnaturelle à une certaine direction générale dont le caractère est nécessairement vague. Par là, l’esprit humain fut pleinement autorisé et même fortement engage à étudier comme modes d’action de cette puissance les lois physiques de chaque phénomène.

En outre, la méthode théologique était précisément celle qui convenait le mieux à l’esprit et aux forces des hommes dans ce premier temps de la réflexion scientifique. Les recherches sur l’origine et la fin de l’univers durent paraître seules dignes d’occuper l’esprit humain. Comment concevoir un motif assez énergique pour entraîner l’intelligence humaine dans des recherches purement théoriques sans l’attrait puissant de ces immenses questions dans lesquelles sont comprises toutes les autres ? Kepler a reconnu que l’astrologie a ouvert le chemin à l’astronomie, et Berthollet a fait la même remarque à l’occasion de l’alchimie. Ces considérations sur le rôle de la théologie sont encore bien plus frappantes quand on les applique à la politique. Bien loin de partager les préjugés du XVIIIe siècle sur les religions, et les superficielles hypothèses des philosophes sur l’hypocrisie et l’oisiveté des prêtres, Auguste Comte déclare hardiment que la politique théologique était la seule, dans les temps barbares, qui pût assurer un état social assez paisible et assez régulier pour que les savans y pussent vivre et s’y développer.

Auguste Comte est beaucoup plus court et moins explicite sur le rôle de la métaphysique que sur celui de la théologie ; et, en général, dans toute sa philosophie, il comprendra toujours mieux les idées des écoles théologiques que celles des écoles philosophiques pures ; de même aussi, en politique, il s’entendra toujours plus avec les écoles rétrogrades, théocratiques et aristocratiques, qu’avec les écoles libérales. Cependant il essaie de faire valoir quelques raisons en faveur de la métaphysique. Les conceptions théologiques, dit-il, sont trop opposées par leurs caractères propres aux conceptions positives pour que l’on puisse passer des unes aux autres sans intermédiaires. Ces intermédiaires doivent tenir à la fois de la théologie et de la physique. La théologie