Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/660

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étalons est demandée à.grands cris par ceux qui ont des fonds à faire passer en Europe, et qui subissent de ce chef une perte intolérable : c’est d’abord le gouvernement indien obligé d’augmenter les impôts pour aligner ses budgets ; ce sont les banquiers, les négocians qui ont des opérations à solder au loin ; ce sont surtout les nombreux.fonctionnaires qui ont coutume de placer à Londres leurs économies et dont les traitemens se trouvent réduits d’un quart par le fait du change. Par apposition, l’état actuel des choses a ses partisans en Asie et surtout en Angleterre. Je viens de dire que la trésorerie anglaise, pour opérer le recouvrement de ses créances sur l’Iode, met en adjudication ses traites dont l’achat se règle à Londres en livres sterling, et qui sont valables en roupies d’argent à Madras, à Calcutta ou à Bombay. Le transfert des créances (money orders) se fait même aujourd’hui par avis télégraphiques. Les derniers cours (environ 1 schelling 6 deniers par roupie) correspondent à une différence de 22 à 23 pour 100. Les oscillations des prix commerciaux s’étant à peine fait sentir dans le vaste empire asiatique, le négociant anglais peut, après un versement de 100,000 frênes en or à la banque d’Angleterre, se présenter sur les marchés indiens avec un pouvoir d’achat de 123,000 francs. Les marchandises ramenées en Europe y sont ordinairement vendues avec une baisse qui en facilite le débit.

La perspective d’un gain presque assuré a donné l’éveil à la spéculation. L’Europe a lancé outre mesure des ordres d’achat. Ces commandes inusitées, agissant comme des primes d’exportation, ont surexcité la production indigène. Le fait saillant est la culture du froment, qui n’était pas dans les usages du pays, et qui a pris en peu d’années une extension considérable. Sous ces influences très actives, le commerce extérieur de l’empire indien s’est rapidement développé. Le mouvement général n’atteignait pas, il y a quarante ans, 500 millions de francs ; il s’est élevé en ces derniers temps à 3 milliards 1/2. Pour l’Inde et Ceylan,.les échanges avec l’Angleterre seulement se sont chiffrés en 188a par 920 millions à la sortie, contre 821 millions à l’entrée : les ventes avaient même dépassé le milliard en 1882 et 1883. Cette expansion du commerce présente les apparences d’une prospérité splendide, et elle explique l’attitude des producteurs indigènes qui se trouvent bien du régime actuel.

À cette belle médaille, il y a un revers que les Anglais ne regardent pas assez. Ce n’est pas seulement avec des roupies achetées au rabais qu’ils soldent leurs achats dans l’Inde : ils y envoient autant qu’ils peuvent des marchandises usuelles et souvent à plus bas prix que les similaires confectionnées par les Asiatiques. Ce commerce attaque peu à peu les vieilles industries locales ; l’humble travail à