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on arrivera forcément au point où l’exploitation ne paiera plus ses irais, où le produit sera invendable. En attendant, quels mécomptes dans les finances publiques, quels troubles dans les échanges du commerce et les affaires privées ! C’est un effondrement dont chacun des peuples de l’Amérique latine se tire avec plus ou moins d’énergie et de sacrifices.

Une espèce de sauvetage pour le Mexique est la confiance que les peuples de l’extrême Orient ont conservée dans les piastres mexicaines ; ils les préfèrent à toute autre monnaie, et la France a grand’peine à introduire des pièces identiques, pour le poids et le titre, dans ses possessions de l’Indo-Chine et du Tonkin. Jusqu’en 1876, le monnayage mexicain produisait annuellement un peu moins de 20 millions de piastres, qui représentaient alors une valeur de 100 millions de francs. A partir de 1877, la fabrication a été forcée d’année en année : on était arrivé, en 1884, à plus de 33 millions de piastres ; on en est probablement à 35 millions aujourd’hui ; mais ces pièces.se vendent au poids, suivant le cours de l’argent-marchandise sur la place de Londres, c’est-à-dire avec une perte de 28 à 30 pour 100, de sorte qu’une valeur nominale de 175 millions de francs exportée n’aurait au dehors qu’une force réelle d’environ 124 millions. On peut juger par là de ce que doivent être les affaires commerciales à l’intérieur.

Dans tous les pays de l’Amérique latine, le trouble monétaire est une calamité sous laquelle on se débat péniblement ; la production des métaux précieux n’est plus un idéal de prospérité, on ne la développe qu’avec appréhension et comme moyen transitoire de remplir les engagemens pris envers l’Europe. La tendance générale est d’utiliser la fertilité naturelle du sol, trop négligé jusqu’ici. Le Chili, à cet égard, a donné l’exemple : sa situation était exceptionnellement difficile ; son commerce avec l’Europe et l’Amérique du Nord consiste presque exclusivement en produits miniers qui ont à subir, même le cuivre, une baisse désastreuse ; on compense le déficit, comme on vient de le voir, en envoyant à l’étranger des barres d’argent à prix réduits, mais en quantité beaucoup plus forte. A l’intérieur, pour éviter la hausse des prix, qui était à craindre avec une monnaie d’argent surabondante et discréditée, le gouvernement s’est réservé le monnayage, qu’il pratique suivant les besoins avec le métal acheté dans le commerce, et en même temps il a émis, jusqu’à concurrence de 100 millions de francs, un papier-monnaie à cours forcé non convertible, mais garanti par un dépôt de lingots d’argent estimés au cours du marché, de sorte que ce papier, devenu le principal élément de la circulation courante, y conserve une valeur effective et maintient autant que possible le niveau des anciens prix. Les paiemens en or qu’il faut faire