Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/667

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’émission que lorsqu’ils sont couverts par un dépôt au trésor des fonds publics des États-Unis, titres de rentes, certificats de dépôts en or, ou greenbacks, et jusqu’à concurrence de 90 pour 100 du cours des titres déposés en garantie. Ces billets, échelonnés par coupures de 5 francs à 5,000 francs, fournissent une somme considérable ; on l’évaluait, en 1880, à 1,700 millions de francs, de sorte que, avec les greenbacks, les existences en papier-monnaie s’élevaient au chiffre de 3 milliards 1/2. Toutefois, la surabondance de ce capital fictif n’était pas trop à craindre ; la somme des greenbacks, qu’il fallait immobiliser pour obtenir des billets, opposait une digue à l’inondation ; les deux valeurs étaient étayées et limitées l’une par l’autre.

Si habiles que fussent ces combinaisons, on ne put éviter la panique et, à l’origine, le greenback échangé contre l’or perdit 61 pour 100 ; il ne fallut pas moins de dix ans pour qu’il regagnât le pair. Ce que devint le commerce sous un tel régime monétaire, on le devine aisément : le nombre des faillites s’était élevé de 4,069 en 1872 à 9,092 en 1876. Toutefois, une lueur d’espérance soutenait les affaires : c’était le moment où les mines de la Nevada venaient de donner des résultats éblouissans, où les hommes de science semblaient d’accord pour annoncer que tous les terrains du Nouveau-Mexique recelaient des trésors inépuisables. Aux yeux de la foule imprévoyante, il semblait naturel qu’on profitât de cette richesse pour faire revivre l’étalon d’argent et substituer une circulation solide au dangereux agiotage sur les papiers. On y voyait déjà, surtout dans les états de l’ouest et du sud, le capital coulant à flots pour revivifier les affaires, et la liquidation prochaine des désastres de la guerre civile. Dans les états du nord, où les grands capitalistes et les hommes expérimentés donnent le ton, on était à un autre point de vue : on craignait les inconvéniens et les dangers qu’entraîne la coexistence de deux étalons, et le gouvernement prit à tâche de modérer les illusions propagées par les exploiteurs de mines. Une loi du 14 juin 1875 déclara qu’à partir du 1er janvier 1879, le secrétaire de la trésorerie échangerait contre de l’or les greenbacks, dont le remboursement serait demandé par lots de 250 francs et plus. Cette mesure était un acheminement à la suppression du cours forcé ; elle témoignait de la prospérité du commerce et des finances publiques ; mais elle ne laissait aucun rôle à l’argent ; de là, une irritation toujours croissante, un conflit d’opinion et d’intérêts qui devait arriver peu à peu à l’état de crise aiguë.

La thèse soutenue par les partisans de l’or se résume en deux mots : loyal paiement ! Il serait déloyal, disaient-ils, de créer une monnaie dépréciée pour libérer les débiteurs à l’égard de leurs créanciers. Tous les contrats existans avaient été stipulés de bonne