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familles, ils sont assistés par les sœurs de charité ou par les prêtres de leur paroisse. Bien plus, en cas de décès, c’est la caisse, — la caisse israélite — de l’hôpital, qui pourvoit à tous les frais de la taxe municipale, du service religieux et du convoi. Ceci démontre à quel point est poussé le principe de la gratuité dans cette maison. Lorsqu’un malade guéri la quitte, il n’est point abandonné ; on admet que la faiblesse peut subsister encore, que la convalescence n’a pas fait place à une santé solide. Deux fondations spéciales permettent de prolonger le repos et de ne pas être immédiatement ressaisi par la nécessité de pourvoir aux besoins de l’existence : l’une (Betty de Rothschild) est destinée aux personnes qui ont séjourné moins de quinze jours à l’hôpital ; le secours varie de 5 à 10 francs ; l’autre (André-Gustave de Rothschild) s’adresse aux malades que l’hôpital a gardé plus de deux semaines ; la somme à laquelle ils ont droit oscille entre 25 et 100 francs. Donc le système de bienfaisance hospitalière est complet, et j’ajouterai irréprochable.

Cet hôpital, que créa James de Rothschild, qu’entretiennent le revenu des valeurs qui lui ont été attribuées et une subvention annuelle d’environ 80,000 francs fournie par la communauté israélite de Paris, communique, à travers un jardin, avec l’hospice des Incurables. C’est une fondation particulière due à Mme James de Rothschild, qui l’a fait construire, a pourvu aux frais d’installation et a légué une rente de 800 francs à chaque lit. La maison, telle qu’elle est aujourd’hui, a été inaugurée le 15 novembre 1877, au jour anniversaire du décès de la bienfaitrice dont la générosité a permis d’hospitaliser soixante-dix infirmes incapables de gagner leur vie et accablés par ces maux incompréhensibles qui mettent l’homme de pair avec la brute. La matière n’est point décomposée, c’est tout ce que l’on en peut dire ; elle souffre, elle se déforme, elle subit toutes les exigences animales, mais le plus souvent rien ne l’éclaire, et l’âme qu’elle renferme semble s’être endormie derrière les brouillards qui l’ont enveloppée. Là j’ai retrouvé le lamentable troupeau des incomplets, voitures dans de petits chariots, se traînant sur des béquilles, amputés de quelques membres par les scrofules, ankylosés par la goutte, qui apparaît sur leurs mains en soulèvemens crayeux ; à les voir inutiles à eux-mêmes, incommodes aux autres, exclus de la vie réelle et repoussés dans les limbes de toutes les infériorités, il est impossible de ne point penser aux êtres charmans, aimés, indispensables, qui sont partis trop tôt, et de ne point se révolter contre la férocité de la nature. Il est, ici-bas, plus d’une énigme cruelle, et celle-là n’est pas la moindre. Soixante-dix malheureux, dont trente-trois hommes et trente-sept femmes, vivent là à l’abri de tout péril, bien nourris,