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le tableau qui précède, une part doit être faite aux acquisitions plus considérables de matières premières pour la fabrication des tabacs et des poudres. Cela est exact ; mais, d’un autre côté, en s’en tenant exclusivement aux chiffres des budgets, on a laissé complètement en dehors du calcul les crédits extraordinaires et supplémentaires dont la moyenne, depuis dix ans, n’est pas inférieure à 100 millions. On pourra faire observer avec plus de fondement que l’augmentation des dépenses, signalée en France, se rencontre dans tous les budgets européens, et qu’elle est la conséquence des exigences croissantes du public, qui attend de l’état des services de jour en jour plus multipliés. Si fondée que puisse être cette observation, elle ne détruit pas le fait incontestable que, depuis dix ans, la progression des dépenses administratives fait preuve, en France, d’une accélération bien propre à inquiéter les esprits.

Quelle est, dans ces nombreux millions, la part que prélèvent les fonctionnaires civils ? En 1869, les traitemens civils montaient en totalité à 246,028,000 francs ; en 1876, ils s’élevaient à 279,940,000 francs ; en 1886, ils ont atteint le chiffre énorme de 397,066,580 francs, et encore devrions-nous y ajouter 2,393,450 fr. pour les traitemens des employés civils de la marine et des colonies. L’augmentation serait ainsi de 100 millions par rapport à 1876 et de plus de 150 millions par rapport à 1869. Marcherions-nous donc vers le régime de l’empire romain, au temps de sa décadence, lorsqu’une moitié de la population travaillait pour nourrir l’autre moitié qui l’administrait ?

Est-il impossible, comme certains le prétendent, de faire un pas en arrière ? Où sont les économies réalisables ? Quels retranchemens peut-on opérer dans les dépenses, sans compromettre la bonne organisation des services ? Les deux derniers ministères et les commissions du budget n’ont pu trouver de réponse à ces questions. On ne peut voir qu’un pur enfantillage dans la proposition d’obliger tous les ministres indistinctement à diminuer de 1, de 2 et même de 3 pour 100 les dépenses de leur ministère, comme si tous les services étaient également réductibles, et comme s’il était possible de toucher aux arrérages de la dette publique qui constituent plus d’un tiers de la dépense totale.

Si l’on ne veut rien désorganiser, il est essentiel, en cette matière, de considérer à part les services de province et les administrations centrales. Ni les mêmes réformes, ni les mêmes procédés ne sont applicables dans les deux cas.

Quelles sont les économies réalisables en province ?

Commençons par le ministère de la justice. Avant 1789, lorsque les communications étaient moins faciles et moins promptes, et