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doivent pourvoir à l’entretien et à l’ameublement des sous-préfectures : ils seraient affranchis de cette charge, et ils recouvreraient la libre disposition de bâtimens importans qu’ils pourraient affecter à d’autres destinations ou mettre en vente. Cette réforme n’a contre elle que la résistance des localités qui se croient lésées par la disparition d’une bureaucratie minuscule, et l’opposition sourde des députés qui craignent de perdre leurs agens électoraux les plus actifs. Tout a été dit sur l’inutilité des sous-préfets au point de vue administratif. L’argument qu’on prétend tirer de la nécessité pour le pouvoir central d’avoir un représentant dans les sous-préfectures ne saurait être pris au sérieux, quand on réfléchit que des villes, fort supérieures comme population et comme importance à la presque totalité des sous-préfectures et même à un grand nombre de préfectures, comme Tourcoing, Roubaix, Calais, Armentières et bien d’autres, ne sont que des chefs-lieux de cantons, ou comme Fourmies et, récemment encore, Saint-Pierre-les-Calais, que de simples communes. Quant au prestige qui s’attacherait à ce représentant du pouvoir central, il suffit de voir quelle pauvre figure fait au Havre ou à Reims, en face de négocians ou d’industriels plusieurs fois millionnaires, un malheureux petit sous-préfet avec ses 9,000 francs d’appointemens.

On laisserait aux préfets leur secrétaire-général pour les suppléer en cas d’absence ou d’indisposition, et un conseiller de préfecture qui ferait auprès d’eux son apprentissage de l’administration, et à qui ils délégueraient leurs pouvoirs quand un incident surgirait dans une localité où ils ne pourraient se rendre. Le surplus des conseillers de préfecture serait supprimé. Ce qu’on appelle, par euphémisme, la justice administrative, et qui n’est que l’arbitraire organisé, n’existe qu’en France. Les autres pays n’en comprennent pas et n’en supporteraient pas l’existence. C’est une invention jacobine, inspirée par le souvenir de l’ingérence des anciens parlemens dans la politique et par la crainte de voir les tribunaux empiéter sur le domaine de l’administration. Ces appréhensions ne sont plus de notre temps, et la séparation des pouvoirs n’a plus besoin d’être protégée aux dépens des citoyens. Qu’un particulier qui fait bâtir une maison ait une difficulté avec un entrepreneur, le litige sera jugé par les magistrats ordinaires, avec l’assistance d’un expert, si la contestation se complique de questions techniques ; mais si le propriétaire de la construction est un département représenté par son préfet, les juges ordinaires seront dessaisis, et le différend porté devant le conseil de préfecture, dont les connaissances techniques ne sont pas plus grandes. Cela est simplement absurde. Les conseils de préfecture ne servent qu’à