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commandement, et, cependant, il ne peut réduire les cadres, de peur d’être pris au dépourvu en cas de guerre ou même d’expédition importante. Las d’attendre un embarquement, beaucoup de ces officiers se marient, perdent le goût de la mer, végètent en attendant l’heure de la retraite, et se retirent quand on veut les appeler à un service actif. Pourquoi, à l’exemple de ce que fait la guerre, la marine n’utiliserait-elle pas, dans ses services administratifs, les officiers qu’elle ne peut embarquer ou qui, pour des raisons de fatigue ou de santé, renoncent à demander un commandement ? N’a-t-elle pas des arsenaux à surveiller, des ateliers à conduire, des établissemens de diverse nature à diriger ? Est-il bien nécessaire d’entretenir pour ces services un corps spécial de fonctionnaires ; et ne pourrait-on utiliser l’instruction, l’expérience et la bonne volonté des officiers de vaisseau sans emploi ou fatigués, qui reçoivent un maigre traitement pour ne rien faire, et seraient heureux d’occuper des postes bien rémunérés ?

Le ministère qui se prêterait aux économies les plus importantes et aussi les plus faciles est assurément celui de l’instruction publique. La France est engagée, en fait d’enseignement, dans une voie déplorable, contraire au bon sens et fatale à tout progrès. On a lieu de s’étonner qu’après l’expérience décisive d’une longue suite d’années et, malgré l’exemple de tous les pays civilisés, il se trouve encore en France des esprits soi-disant libéraux qui revendiquent pour l’état la mission d’enseigner. Qu’une nation ait intérêt à la diffusion de l’instruction à tous les degrés et dans tous les rangs de la société ; que la multiplication et la prospérité des écoles soient un élément de force et un gage de progrès, que la gloire de ses savans et l’éclat de leurs découvertes soient pour un pays un légitime sujet d’orgueil, il ne s’ensuit nullement que l’état ait la mission et le devoir d’enseigner. Le rôle d’un gouvernement est de veiller à ce que l’instruction soit accessible à tous et aussi répandue que possible ; par conséquent, de provoquer la création d’établissemens d’instruction et de les encourager par des subventions et des récompenses. Comme on ne peut s’attendre à ce que la poursuite des hautes études et les recherches de la science pure rémunèrent jamais ceux qui s’y livrent, un gouvernement doit y pourvoir en assurant par ses libéralités l’existence des établissemens d’un ordre élevé, mais sans s’immiscer ni dans leur gestion ni dans leurs méthodes. Voilà la tâche à laquelle n’a failli le gouvernement d’aucun des pays qui nous entourent, et où l’instruction est aussi répandue et aussi avancée que chez nous. Il était réservé à la France moderne de donner le monstrueux exemple d’un pays libre où le monopole de l’enseignement est revendiqué pour l’état. Avant 1789, on comptait,