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augmentation de loyer, en attendant la construction d’un édifice spécial. Au même budget figuraient la dotation de cent recettes nouvelles des postes et la création de cent emplois de facteurs ruraux. Ces chiffres étaient indiqués comme le minimum des créations à effectuer annuellement : ce qui faisait prévoir une augmentation annuelle de 750,000 francs dans les dépenses de ce seul service. Cette continuelle multiplication des bureaux de poste est la conséquence des influences électorales, devant lesquelles toutes les administrations sont contraintes de s’incliner et qui invoquent, au préjudice du trésor, les droits d’une prétendue égalité. En Angleterre, il y a encore nombre de paroisses qui ne sont desservies que tous les deux jours, parce que leur importance ne parait pas justifier la dépense d’un service quotidien. Il y a longtemps qu’en France toutes les communes sans exception ont une distribution et une levée de lettres tous les jours : voici maintenant qu’on réclame une seconde distribution dans toutes les communes ; et les députés, évidemment, ne seront satisfaits que quand chaque commune sera pourvue d’un bureau de poste, quelles que soient la modicité du produit et l’énormité de la dépense : le budget n’est-il pas là pour pourvoir à tout ? Nul ne prend souci de l’intérêt des contribuables, à qui l’on n’a pas le droit de faire supporter les frais d’un service rendu aux particuliers. Il y a quelque vingt ans, la direction de la Seine s’avisa qu’il y avait avantage pour son service et pour le public à ne pas garder jusqu’au lendemain dans ses bureaux les lettres et les journaux arrivés d’Angleterre et de Belgique dans la soirée, et elle établit, pour le centre de Paris, une distribution supplémentaire. Tous les quartiers, même les plus excentriques, réclamèrent aussitôt, comme si une injustice leur était faite ; et il fallut, après quelque résistance, étendre cette distribution supplémentaire à toute la capitale, toujours au nom de l’égalité. Quoi de plus injuste cependant, si l’on se place au point de vue du trésor et des contribuables ? La nouvelle distribution entraînait, par quartier, la création d’un facteur à 1,200 francs ; mais si ce facteur, comme il arrivait dans les quartiers du centre où se trouvent le haut commerce, les banquiers, les établissemens de crédit, distribuait chaque jour mille lettres ou journaux, soit 360,000 articles par an, le transport de chaque article revenait à un tiers de centime à l’administration des postes, et la dépense se trouvait largement couverte. Au contraire, il en coûtait parfois 1 franc à l’administration pour faire porter à l’extrémité du parc des Princes ou de Charonne une lettre isolée pour laquelle elle n’avait perçu que 0 fr. 15. L’inégalité, le privilège n’étaient-ils pas du côté de ceux pour qui la poste s’imposait de tels sacrifices ?

Les régies financières nous offrent un frappant exemple de