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Une des marottes des réformateurs du jour est de réduire, sous le rapport du nombre et des émolumens, le personnel des contributions directes. Rien ne semble plus aisé que de diminuer le nombre des percepteurs : on élargit l’arrondissement de chaque perception en y faisant, entrer quelques communes de plus, et voilà l’œuvre accomplie. Les effets fâcheux ne s’en feraient point attendre. Dans quelle région de la France a-t-on découvert un paysan empressé à payer ce qu’il doit au fisc ? On est obligé d’aller au-devant de ce contribuable récalcitrant, à qui tout prétexte est bon pour différer un paiement désagréable ; pour lui épargner tout déplacement et toute perte de temps, le percepteur se transporte dans la commune, à des jours et heures fixes, toutes les semaines ou toutes les quinzaines, suivant l’étendue de la perception, et en prenant soin que ces visites régulières ne coïncident ni avec des marchés trop voisins ni avec des foires importantes, sous peine de ne rencontrer personne dans la commune et de revenir les mains vides. Les perceptions actuelles ont été déterminées à la suite d’une enquête minutieuse ; si vous en étendez le rayon, les visites du percepteur seront nécessairement moins fréquentes, et le recouvrement de l’impôt s’opérera avec plus de lenteur et de difficulté.

On se rabat, il est vrai, sur les receveurs d’arrondissement, et surtout sur les trésoriers-généraux, dont les traitemens élevés offusquent l’envie démocratique. On méconnaît ce fait, pourtant si évident, que la sécurité doit s’acheter, comme tout autre avantage. Le point essentiel est que le trésor public reçoive tout ce qui lui est dû, et l’organisation actuelle lui garantit ce résultat, puisque les receveurs des finances sont responsables, sur leur fortune personnelle, de tous les fonds qu’ils doivent faire rentrer. Or cette responsabilité ne peut être une garantie effective qu’autant que les agens seront solvables, et il est de simple bon sens que des hommes ayant de la fortune et du crédit ne consentiront à assumer des risques, souvent considérables, qu’autant que la situation : qui leur sera faite leur semblera une compensation suffisante de ces risques.. Déjà les dix dernières années ont vu le corps des trésoriers-généraux déchoir singulièrement sous le rapport de la solidité et de la considération : depuis que les hauts emplois de la finance sont devenus la récompense de services politiques ou le dédommagement de disgrâces nécessaires, et qu’on y appelle presque exclusivement les préfets trop maladroits et les députés non réélus, en un mot des gens plus connus dans les cercles politiques qu’à la Banque de France, nombre de trésoreries ne fonctionnent que péniblement, et il y a même en trois ou quatre déconfitures. Une des plus lamentables se produisit sous l’administration de M. Léon Say. Pour prévenir un retentissement qui n’eût pas ajouté à la considération du régime