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actuel, le ministre, au nom de la raison d’état, taxa d’autorité tous les trésoriers-généraux et les contraignit ainsi à combler le déficit laissé par leur collègue. Il est aisé de comprendre que si l’on réduit outre mesure les émolumens et les bénéfices de ces fonctions, que la moindre perturbation extérieure ou intérieure rend périlleuses, les titulaires répudieront une solidarité qui ne leur est imposée par aucun texte de loi, ou qu’on ne trouvera plus, pour en affronter le danger, que des aventuriers politiques et des spéculateurs sans surface. Si l’on écoute les conseils de la prudence, ce n’est pas de ce côté qu’on cherchera des économies. M. Sadi Carnot l’avait reconnu implicitement lorsque, en proposant de réduire les émolumens des trésoriers-généraux, il demandait en même temps la création d’un corps de contrôleurs.

En résumé, si l’on ne veut point entrer résolument dans la voie des réformes, en supprimant les sous-préfets et les conseils de préfecture, en réduisant notablement le nombre des cours et des tribunaux, en arrêtant les prodigalités scolaires et la multiplication des établissemens officiels, on pourra grapiller de-ci de-là des sommes insignifiantes, on ne pourra obtenir d’économies sérieuses sur les dépenses des administrations en province. Or, pour accomplir ces réformes, il faudrait que la majorité des chambres, au lieu de vouloir étendre à tout l’action du pouvoir et de multiplier partout les représentai de ce pouvoir, entrât soudainement dans une voie opposée à celle qu’elle suit avec obstination depuis dix années. Ce serait se leurrer que d’attendre d’une majorité aussi profondément imbue de la tradition jacobine un pareil changement. Les choses demeureront donc sensiblement les mêmes en province. Voyons maintenant quels retranchemens il serait possible d’opérer dans les administrations centrales dont le siège est à Paris.


II

« Il faut se tenir près du soleil » est un des dictons familiers aux provinciaux. Le soleil, c’est le parlement, ce sont les députés, ce sont les ministres, devenus les esclaves des députés. Le rêve de tout électeur influent est donc d’envoyer son fils à Paris et de le voir entrer dans un ministère. Aussi bien, il n’est pas toujours aisé de trouver un emploi à sa convenance : il ne saurait y avoir, dans la même ville, deux percepteurs ou deux directeurs des contributions indirectes, ou deux directeurs de l’enregistrement ; tout le monde n’a pas le bras assez long pour faire déplacer le titulaire de