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vivres, qui était retombée, sous les successeurs de Choiseul, aux mains des entrepreneurs, a Pourquoi, disait-il, les régimens ne feraient-ils pas eux-mêmes leur pain, au moins en temps de paix ? On trouve partout du blé et des moulins. Il n’y a rien de si aisé que de construire des fours où il n’y en a pas, et si les régimens n’ont pas de boulangers, ils peuvent en former ; c’est l’affaire de quatre jours[1]. » Mais les clameurs des intéressés furent telles ici que Saint-Germain dut reculer[2] et se contenter de rétablir la régie.

Un grand pas, toutefois, avait été fait, et cette réforme partielle ne devait pas tarder à trouver son complément. Dans le plan de réorganisation générale élaboré par le conseil de la guerre en 1788 figurent, en effet, plusieurs dispositions relatives : 1° à la manutention du pain par les troupes ; 2° à l’établissement de magasins contenant les 400,000 sacs de grains nécessaires à la subsistance de l’armée pendant quinze mois ; 3° à la création d’un directoire des subsistances composé de deux officiers-généraux assistés d’un commissaire ordonnateur des guerres et de six membres tirés des anciennes compagnies ; 4° à la suppression de la régie des fourrages et de l’habillement, et à leur remplacement par des conseils d’administration ; 5° à la création d’une direction de l’habillement, composée d’un officier supérieur ou général assisté de deux négocians en draperie[3], enfin à la réorganisation du corps des commissaires des guerres[4]. Ces innovations n’étaient pas toutes également heureuses, et l’on a pu, non sans raison, leur reprocher quelques erreurs de détail et quelques parties trop compliquées encore. Pressé par le temps, sollicité par le désir de réformer simultanément toutes les branches de l’administration militaire, il advint au conseil de la guerre ce qui arrive aux individus comme aux assemblées qui embrassent trop de choses à la fois : son œuvre, excellente en bien des points, aurait en besoin, dans quelques-unes de ses parties, d’une plus longue incubation. Telle qu’elle est, pour l’époque, elle avait bien pourtant son mérite ; que si, sans doute, elle ne réalisait pas le problème d’une administration militaire économique et rigoureusement honnête, il faut du moins lui savoir gré d’en avoir posé les principes essentiels et tracé les grandes lignes. Viennent des temps moins agités, et sur ces fondemens il sera facile d’élever un édifice parfaitement solide et régulier.

  1. Mémoires de Saint-Germain.
  2. Voir sur ce point Mention, Saint-Germain et ses réformes.
  3. Titres II et X de l’ordonnance du 17 mars 1788 sur l’administration générale de l’armée.
  4. Édit du 17 avril 1788.