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Saint-Germain, la désertion n’était encore qu’inquiétante ; en 1788, « elle était devenue si effrayante[1] qu’il fallut pour la réprimer établir à la frontière un cordon de troupes, et que la France entière était infestée de soldats en rupture de bans, tout prêts à se jeter dans les pires excès. »

Le règlement du 1er juillet 1788 sur le service intérieur, la discipline et la police des troupes est plus remarquable encore, au point de vue des préoccupations dont il porte la marque et du souffle vraiment libéral qui l’anime d’un bout à l’autre. Lisez ; et cherchez ensuite, dans n’importe quel code militaire, à n’importe quelle époque, un langage et des préoccupations d’un caractère plus humain et plus élevé :

Article 1er. — L’intention de Sa Majesté est qu’il règne dans toutes les troupes d’infanterie une discipline qui soit à la fois contenue, ferme, juste et éclairée, et qui, en établissant toujours de l’inférieur au supérieur une obéissance passive, laisse en même temps à chaque grade intermédiaire sa portion d’autorité ou de surveillance, cette subordination venant par degrés aboutir au soldat, qui en est la base…

Art. 2. — Veut Sa Majesté que d’un côté l’obéissance de l’inférieur au supérieur soit toujours respectueuse, prompte, littérale et sans aucune réclamation qui retarde l’exécution de ce qui est ordonné ; mais son intention est en même temps que, de l’autre part, les ordres soient toujours donnés avec décence et fondés en raison ou conformes à la loi.

Art. 3. — Défend expressément Sa Majesté à tous chefs ou commandans, quelque grade qu’ils puissent avoir, de jamais se permettre vis-à-vis de leurs subordonnés aucun propos qui pourrait les injurier ou insulter, se proposant Sa Majesté de punir sévèrement et suivant l’exigence du cas toute transgression d’autorité de ce genre, qui, en mettant l’offense à la place de la réprimande ou de la punition, ôte au commandant toute sa dignité.

Art. 4. — Entend Sa Majesté que cette bienséance dans le commandement, dont la délicatesse et l’honneur doivent suffire pour faire un principe constant entre les officiers de tout grade, ait de même lieu des officiers aux bas officiers et soldats, en sorte que ceux-ci ne soient jamais ni tutoyés, ni injuriés, ni maltraités par eux ; que tous les châtimens qu’ils leur infligeront soient conformes à la loi ; et qu’enfin les officiers les conduisent, les dirigent et les protègent en toute occasion…

Art. 5. — Ce que Sa Majesté ordonne et impose ci-dessus à tous

  1. Xavier Audouin, Histoire de l’administration de la guerre.