Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 82.djvu/903

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette réforme était trop intimement liée à toutes celles dont il avait pris l’initiative pour être abordée séparément, comme l’avaient essayé Saint-Germain et le conseil de la guerre, et c’est aux états-généraux qu’était réservé l’honneur de l’accomplir. Le recrutement dans les troupes réglées n’était guère moins défectueux que l’effectif : la base en était beaucoup trop étroite. C’était par enrôlemens volontaires, à prix d’argent, qu’on entrait au service du roi. Tout ce qui exerçait un métier ou possédait seulement de quoi vivre, artisans, ouvriers, commerçans, petits rentiers, y échappait. Les engagemens se faisaient principalement dans les grandes villes, et portaient surtout sur la partie flottante et nomade de la population. On trouvait là toute une pépinière de gens ayant l’aptitude et le goût de la vie militaire, et qui faisaient, en général, aussi bien dans l’armée qu’ils eussent mal fait dans une autre carrière. Mais il n’y en avait jamais assez pour les besoins, et la plupart des compagnies, réduites à se recruter presque exclusivement dans cette catégorie d’individus, demeuraient le plus souvent incomplètes. De là de grands embarras pour les chefs de corps et une cause permanente de faiblesse pour l’armée. De là aussi beaucoup d’abus, de pratiques et de marchandises frauduleux que la sévérité des ordonnances ne parvenait pas toujours à réprimer.

Dans la milice, le système en vigueur était infiniment plus large : le sort désignait les partans. En principe, rien de plus équitable. Mais, en fait, l’abus des dispenses viciait complètement l’institution et en rejetait toute la charge sur le peuple des campagnes. Chose à noter : la bourgeoisie, si sévère pour d’autres inégalités, n’avait jamais réclamé contre celle-là.

La composition des troupes avait été longtemps fort irrégulière. L’armée, comme toutes les institutions de l’ancien régime, s’était formée peu à peu, de pièces et de morceaux, au fur et à mesure des circonstances et des besoins. Il en était résulté de grandes disparates et beaucoup de confusion, nos régimens n’ayant ni les mêmes effectifs, ni le même nombre de bataillons et d’escadrons, ni la même solde, ni les mêmes droits, avantages ou honneurs. Peu à peu cependant, ces différences s’étaient effacées, et les dernières ordonnances avaient ramené tous les corps, sauf l’infanterie légère et la maison du roi, à la même constitution.

La proportion des diverses armes avait également subi quelques retouches : éclairé par l’expérience des dernières campagnes, le conseil de la guerre s’était efforcé de donner plus d’importance aux corps légers, tant dans l’infanterie que dans les troupes à cheval. Excellente mesure, qui devait avoir pour effet de rendre l’armée