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de patience, répondait vigoureusement aux hommes d’état anglais qui résistaient à ses appels pressans : « Que diriez-vous si, en échange de vos criminels, nous vous envoyions, nous, nos serpens à sonnettes ? »

L’insurrection des États-Unis affranchit l’Amérique de cette humiliante servitude, de même que les énergiques protestations de l’Australie contraignirent l’Angleterre à renoncer à un système de transportation pénale qu’aucune de ses colonies n’a, depuis, consenti à subir. La France sera-t-elle plus heureuse dans ses tentatives, et l’application de la loi de 1885 donnera-t-elle les résultats qu’en attend le législateur ? Il est encore trop tôt pour se prononcer sur cette grave question, et sans accepter d’ores et déjà les conclusions négatives que M. de Lanessan développe dans son travail sur l’expansion coloniale de la France, nous ne saurions nous dissimuler que ses critiques sont fondées et ses pronostics probables.

Trois ou quatre jours d’une navigation généralement monotone suffisent aux navires à voile pour franchir les 250 lieues qui séparent la Nouvelle-Calédonie de l’Australie.

La superficie totale du continent australien, y compris la Nouvelle-Zélande et l’île de Diémen, est égale aux deux tiers de celle de l’Europe. Bien que, sur cette surface immense, on ne compte encore que 3 millions d’habitans, le commerce d’importation dépasse 1,100 millions de francs à l’année, et l’exportation 1,220 millions. En moins d’un siècle, Melbourne avec ses 284,000 habitans, Sydney avec ses 220,000, Adélaïde, Brisbane, Sandhurst, Ballarat sont devenus des centres importans de production et de consommation. Ces 3 millions de colons possèdent 8 millions de gros bétail, 78 millions de moutons, 7 millions d’acres de terre en culture. En quarante années, ils ont extrait de leurs mines d’or plus de 7 milliards de francs, et, bon an mal an, ils exportent pour plus de 300 millions de laines. Ainsi que le fait remarquer M. Bourdil dans sa spirituelle brochure sur la colonisation de l’Australie[1], leur commerce d’importation atteint 475 francs par tête, alors qu’il ne dépasse pas 275 chez les nations les plus favorisées de l’Europe. Un pareil pays, conclut-il avec raison, n’est pas une quantité négligeable.

Pour l’économiste, pour l’observateur désireux de remonter aux sources, soucieux de se rendre compte des causes de la prospérité des nations, l’Australie offre un champ d’étude intéressant. Longtemps on a cru, sur la foi de récits apocryphes ou de cas

  1. Voir aussi la Revue du 15 mars 1885.