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étendaient le cercle de leurs opérations. Aux navires de commerce anglais succédaient les baleiniers d’Oldenbourg, à la fois commerçais et pêcheurs ; derrière eux apparaissaient les navires de Brème et de Hambourg. Ces comptoirs prospéraient, gérés par des hommes jeunes, négocians dans l’âme, préparés à ces opérations multiples par une éducation spéciale et une expérience préalablement acquise dons les grandes villes hanséatiques. L’Allemand a sur l’Anglais d’incontestables avantages en tant que commerçant dans ces pays lointains. Tout d’abord il acquiert facilement et promptement la connaissance des langues étrangères, il se plie sans efforts aux conditions de climat et de milieu, il ne s’impose pas ; mais surtout, à la raideur et à l’exclusivisme britannique, qui froissent et aliènent les races que l’Anglais considérera toujours comme inférieures et traite comme telles, l’Allemand substitue une bonhomie calculée, une faculté d’assimilation et d’adaptation qui fait de lui, en peu de temps, un résident connu, accepté, au courant de la langue, des usages, des intérêts de la population au milieu de laquelle il vit et dont il adopte le mode de vie.

Quiconque a vécu quelque temps en Océanie a pu, comme nous, observer cette substitution lente des comptoirs allemands aux comptoirs anglais, cette invasion qui, peu à peu, refoule le commerce de la Grande-Bretagne et ne lui laisse plus guère, sur les points qu’elle n’occupe pas en maîtresse, qu’une existence précaire. Là où ses capitaux accumulés ne permettent pas aux maisons allemandes de lutter contre elle, elle se heurte aux comptoirs américains, soutenus par les banques de San-Francisco. Ce sont ces dernières qui, lui ont disputé d’abord, puis enlevé la prépondérance commerciale aux îles Sandwich, qui ont créé une ligne de bateaux à vapeur américains de San-Francisco à Sydney, par Honolulu, une autre de San-Francisco au Japon et en Chine qui détourne au profit de la Californie et des États-Unis une partie notable du trafic de l’Orient. Aux îles Sandwich, le point le plus important et la clé de l’Océan-Pacifique du nord, le haut commerce est aux mains des Américains, celui du demi-gros aux mains des Allemands, et l’Angleterre, autrefois prépondérante, n’occupe plus, au point de vue commercial, que le troisième rang. Dans nombre d’îles de l’Océanie, il en est de même, et ce mouvement ne fait que s’accélérer depuis que l’Allemagne a officiellement pris pied dans le Pacifique par l’occupation d’une partie de la Nouvelle-Guinée et des archipels adjacens de la Nouvelle-Irlande et des îles Salomon.

Séparée de l’Australie par le détroit de Torrès, la Nouvelle-Guinée ou terre des Papous en a été disjointe par la grande convulsion qui, submergeant un continent, n’en a laissé surplomber que les