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britannique avait déclaré qu’il la rendrait à la paix. La paix vint : on ne restitua rien. Les colons se soulevèrent : on les écrasa. « La nation anglaise, dit M. Froude, est la plus consciencieuse du monde quand il s’agit de juger la conduite de ses voisins. Que la France, l’Allemagne ou la Russie annexe un territoire appartenant à un autre peuple, nous ne protesterons jamais assez haut. Nous, nous avons avalé plus de territoires que toutes les autres nations réunies ensemble ; mais ce que nous en faisons, c’est pour le bien du genre humain. » Mécontens de la domination anglaise et trop faibles pour la secouer, un grand nombre de colons hollandais vont, en 1836 et dans les années qui suivent, fonder trois états nouveaux : Natal, Orange et le Transvaal, qui eussent formé à la province anglaise une ceinture protectrice et l’auraient préservée de tout dangereux contact avec les natifs. Mais un de ces nouveaux états possédait un port et assurait aux autres un débouché maritime hors de l’action du gouvernement anglais. Semblable anomalie ne pouvait être tolérée : on confisque Natal et on abandonne aux Boërs les solitudes de l’intérieur à défricher. A eux la rude vie du pionnier, la guerre avec les races sauvages. A l’Anglais les comptoirs maritimes et les bénéfices faciles.

On venait à peine de renouveler, en 1869, le traité d’Aliwal qui fixait irrévocablement les limites des possessions anglaises et des états libres, lorsque le hasard fit découvrir sur le territoire de l’état d’Orange des champs de diamans d’une richesse incalculable. » L’Angleterre, demande ironiquement M. Froude, pouvait-elle permettre que la plus belle mine du monde appartint à d’autres qu’à elle ? .. Certes, je n’accuse pas les agens britanniques d’avoir accompli sciemment ce qu’ils savaient être une spoliation. Quand un homme d’état anglais désire qu’une chose soit juste, il est convaincu qu’en effet cette chose est juste. » On mit en avant les prétentions d’un chef natif nommé Waterboer. Les Hollandais durent s’incliner, abandonner sans compensation les champs de diamans. La farce étant jouée, on relégua Waterboer à quelques lieues de là, dans une concession stérile, qui, loin de produire des diamans, eût à grand’peine produit des pommes de terre. Le nouveau gouverneur anglais des champs de diamans, n’ayant point de force armée à sa disposition et désirant intimider les Boërs, imagina de vendre des fusils aux natifs. Quelques-uns des indigènes ainsi armés appartenaient à la colonie de Natal. A peine furent-ils rentrés chez eux, avec les précieux joujoux dont ils étaient si fiers, le gouverneur de Natal les accusa de conspirer et les somma de remettre entre ses mains leurs fusils. Imaginez quelle opinion durent se faire ces pauvres sauvages de cette grande nation