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Baratongas désigne clairement Hervey comme le berceau de leurs ancêtres.

Entre les indigènes de Tahiti et ceux des Sandwich, séparés par 1,000 lieues de mer, l’analogie de langue et de race est complète ; l’origine commune des deux peuples ne saurait faire l’objet d’un doute. L’incident que nous avons relaté plus haut et dont nous avons été témoin nous confirma dans la pensée que l’archipel des Sandwich avait été colonisé par des émigrans involontaires du même grand archipel asiatique, qui, plus au sud, peuplaient la Micronésie et la Polynésie méridionales.

Au nord de l’Australie, le courant équatorial, resserré par le détroit de la mer de Timor, débouche dans la mer des Indes, contournant Java, Sumatra, Bornéo, les Philippines, pour remonter le golfe de Bengale jusqu’aux bouches du Gange. Toute cette mer de Java est parsemée d’ilots massifs de verdure dans une ceinture de cocotiers. On est aux portes de l’Inde, la mystérieuse Catay des anciens, la source intarissable de vie, de chaleur, de population, de richesses. La végétation intense des tropiques envahit les anses aux contours sinueux, aux grottes profondes, aux golfes gracieux. Tout au long des côtes se déroule un interminable rideau de forêts à l’épaisse ramure, dont les parfums puissans révèlent ce royaume des épices, sur lequel M. le comte de Pina nous a donné des renseignemens aussi nouveaux qu’intéressans[1].

Sumatra, la plus vaste de ces îles de la Malaisie après Bornéo, mais non la plus productive et la plus peuplée, ne mesure pas moins de 1,000 lieues de longueur sur une largeur moyenne de 150, et compte 8 millions d’habitans. Les habitans des Philippines y placent le berceau de la race humaine. Sumatra n’est-elle, comme le prétend Marsden, qu’un fragment détaché du continent asiatique par les tremblemens de terre ? Doit-elle, au contraire, son existence à des éruptions volcaniques dont le souvenir s’est perdu dans la nuit des temps ? Ce semblerait être l’opinion de Marco Polo et de Ibn Batouta, qui, aux XIIIe et XIVe siècles, la visitèrent, et la désignent sous le nom de Boulo Ber Api (île des Volcans). Quoi qu’il en soit, rarement colonie aussi prospère a vécu plus heureuse sous des lois plus sages que celles que la Hollande sut donner à la riche proie ravie par elle au Portugal.


III

C’était en 1580. Philippe II venait de poser sur sa tête la couronne de Portugal. L’Espagne, qui n’est jamais plus voisine des

  1. Deux ans dans le pays des épices, par M. le comte de Pina ; Paris, A. Quantin.