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l’introduction de la culture du café et au a despotisme paternel » du gouvernement hollandais, comme le désigne fort bien M. A. Russel-Wallace[1]. Le café réussit admirablement sur les hauts plateaux des Célèbes ; l’initiative prise par l’administration hollandaise, les encouragemens et l’appui donnés par elle aux chefs indigènes ont peu à peu décidé la population à renoncer à ses habitudes nomades, et à se livrer à la culture d’un produit dont elle est assurée de trouver dans le gouvernement un acheteur régulier à des prix suffisamment rémunérateurs. L’établissement de contrôleurs d’origine européenne, chargés non-seulement de recevoir et de payer le café, mais encore de régler à l’amiable les difficultés de village à village, d’individu à individu, a mis un terme à d’incessans conflits. D’excellentes routes, bien entretenues, relient les localités les unes avec les autres et assurent la sécurité des communications. Dans les villages, riches et prospères, les Hollandais ont introduit et enseigné aux indigènes leurs habitudes d’ordre, de propreté rigoureuse, de confort solide. M. Wallace nous décrit son arrivée dans un district indigène, sa réception par le chef. Dans une résidence vaste, bien aérée, solidement construite, il retrouve un mobilier européen, un excellent repas bien servi. Son hôte, vêtu de noir, porte avec aisance le costume européen et fait avec dignité les honneurs de sa table. A ses côtés, son père, ancien chef, portait autrefois un vêtement d’écorce, habitait une hutte grossière entourée de mâts au sommet desquels oscillaient au vent les têtes. de ses ennemis mis à mort de sa propre main.

« Cette population, ajoute-t-il, est aujourd’hui la plus industrieuse, la plus paisible et la plus civilisée de l’Archipel. Elle est aussi la mieux Têtue et la mieux nourrie. Je ne crois pas que l’on trouve ailleurs un exemple aussi frappant de résultats obtenus en un si court espace de temps. Ces résultats sont dus uniquement au mode de gouvernement adopté par les Hollandais. Sans doute ce mode de gouvernement est, jusqu’à un certain point, despotique ; il est opposé à nos idées de liberté de commerce, de travail et de circulation. Un indigène ne peut quitter sans permis son village ; il lui faut vendre son café au gouvernement à un prix souvent inférieur à celui que lui en paierait un trafiquant, mais le gouvernement a défriché le sol et créé les plantations. S’il s’oppose à la liberté du commerce, s’il interdit l’importation des spiritueux, il est certain que le jour où cette interdiction cesserait, l’ivrognerie et la paresse ruineraient la population au profit d’un petit nombre d’importateurs ; les plantations, mal cultivées ou abandonnées, rendraient moins, et à la prospérité actuelle succéderait la misère générale. »

  1. The Malay Archipelago. Londres, 1869.