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que de peu de jours, les municipaux de Saint-Ouen, le maire en tête, ont imaginé de donner en récompense à de pauvres enfans toute sorte d’ouvrages baroques de littérature démagogique, de « socialisme pur, » selon le mot du maire : la Femme et la Révolution, l’Insurgé de M. Jules Vallès, les Mémoires de Louise Michel, la Critique sociale de Blanqui, etc. ! Oui, ces étranges gardiens de l’instruction de la jeunesse n’ont pas craint de distribuer à des jeunes filles, à des enfans de douze ans, des livres où on leur enseigne qu’il faut « implanter l’union libre sur les débris de la vieille société, » que « le mariage, fût-il même contracté par amour, ne constitue pas moins une action immorale et contraire à la nature, » que « c’est à l’institution de la famille qu’il faut attribuer l’éducation défectueuse des enfans ! .. » Et tout cela enveloppé de papier rose, sous le sceau du maire, avec l’inscription : Académie de Paris ! Vainement les parens ont protesté contre l’outrage des libéralités municipales : le mal était fait, le scandale était produit. Voilà à quelles influences l’instruction primaire peut être livrée dans une commune gouvernée par le radicalisme ! Faut-il donc que M. le ministre de l’instruction publique, quand il sera revenu de ses voyages, couvre ces indignités de sa tolérance pour le plaisir de n’être pas suspect de cléricalisme, de connivences avec la droite ? Est-il admissible que le gouvernement mette le respect des croyances dans ses discours et laisse le plus vulgaire, le plus brutal esprit de secte infester les écoles ? C’est là que serait pour le coup l’équivoque.

Autre exemple : le conseil municipal de Paris est assurément un autre personnage que le conseil municipal de Saint-Ouen. Il n’en est pas pour sa part à entreprendre la révision des livres scolaires pour les expurger de tout venin religieux ou simplement spiritualiste. Il n’y a pas même bien longtemps encore qu’il se livrait à la plus plaisante des discussions pour savoir s’il fallait laisser ou biffer le nom de Dieu dans une fable de La Fontaine que toute la jeunesse française apprend depuis deux siècles ; mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit pour le moment. Le conseil municipal de Paris est de force à s’occuper de tout à la fois, et même à braver les lois aussi bien que le bon sens. Il a imaginé, il y a quelques semaines, de convoquer à l’Hôtel de Ville, sous prétexte de célébrer l’anniversaire de 1789, un congrès composé de délégués de toutes les communes de France. C’était la fédération des communes ! On a fait observer, il est vrai, aux municipaux parisiens qu’ils n’avaient pas le droit de voter une motion de ce genre : ils ont répondu que cela leur était bien égal. « Vous avez beau déclarer notre délibération illégale, ont-ils dit, nous la voterons quand même. » La délibération a été annulée, et le conseil municipal n’a pas moins suivi son idée : il a invité par lettres patentes les conseils des 36,000 communes françaises à envoyer leurs délégués, le 22 septembre prochain, à l’Hôtel de Ville. Cet étonnant congrès est appelé tout simplement « à établir