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le service intérieur de la maison est fait par d’anciennes élèves qui trouvent de la sorte une rétribution, des occupations qui ne sont pas excessives, une camaraderie douce et la discipline à laquelle elles sont accoutumées depuis l’enfance. D’autres, selon leurs aptitudes et le degré de culture qu’elles ont pu atteindre, sont placées en qualité de cuisinières, de femmes de chambre, d’institutrices, autant que possible dans des familles israélites que l’on connaît et dont la moralité offre toute garantie. Il est rare qu’elles ne restent pas en relations avec l’orphelinat après qu’elles l’ont quitté. Elles y apportent leurs gages que l’on fait fructifier ; c’est le bon moyen de leur enseigner la science et les avantages de l’épargne ; Israël y excelle, et sait depuis longtemps que les petits ruisseaux font les grandes rivières. Parfois, les orphelines viennent demander asile à la maison où leur adolescence s’est écoulée ; l’une d’elles, mariée, est venue avec son enfant y passer les vingt-huit jours de veuvage que lui imposait le service militaire de son mari. Les garçons ne jouissent pas des mêmes privilèges ; quand on les a débrouillés, qu’on leur a donné des élémens d’instruction, qu’on les a fortifiés par la gymnastique, par des bains, par une hygiène salutaire, on s’en sépare généralement vers la treizième année ; on les dirige, selon les qualités intellectuelles que l’on a pu constater chez eux, soit vers des classes supérieures, soit vers une école d’apprentissage. Si je ne me trompe, ils doivent sortir de l’orphelinat avec une habileté manuelle déjà appréciable. J’ai remarqué que l’on s’ingéniait à développer l’adresse de la main, ce qui est une éducation préalable excellente pour des enfans appelés, presque tous, à devenir ouvriers. A l’aide de bandes étroites de papiers teintés, de brins de paille, on leur fait exécuter de petits ouvrages de fantaisie, où l’imagination peut s’évertuer à l’aise, en cherchant, en trouvant des combinaisons de lignes et de couleurs qui parfois ne sont pas déplaisantes aux yeux. De la sorte, l’enfant apprend à réfléchir et sait diriger l’agilité de ses doigts, ce qui ne lui sera pas inutile lorsque, ayant terminé son temps à l’orphelinat, il sera admis à l’école de travail que dirige la Société de patronage des apprentis israélites de Paris, qui a été reconnue comme établissement d’utilité publique par décret du 15 avril 1878.

Cette école ou, pour mieux dire, le patronage des apprentis a été fondé en 1852. Ses destinées ont été semblables à celles de l’orphelinat Rothschild. On a commencé par mettre des enfans en apprentissage chez des patrons qui, moyennant une somme débattue, se chargeaient de leur entretien. Puis on a eu des visées meilleures : on voulut avoir les apprentis sous la main, supprimer les subventions et les remplacer par un internat où les enfans, logés,