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réalité un lycée d’apprentissage avec internat, externat et distribution solennelle des prix ; ceux-ci sont offerts par des donateurs qui envoient des volumes, des livrets de caisse d’épargne et même (année 1883) six douzaines de mouchoirs. Le soir de la distribution des prix, toute l’école, — élèves et maîtres, — est conduite à un théâtre, aux frais du président du comité. Cette institution très simple et bienveillante, où les punitions sont inconnues, où le bon vouloir du directeur et celui des apprentis semblent s’entr’aider, n’a apporté que bien peu de déceptions aux fondateurs. Depuis qu’elle existe, on a pu constater que les élèves de « l’école du travail » avaient fait bonne route dans la vie, et qu’à peine un demi pour cent n’avait point réalisé les espérances que l’on avait conçues. C’est là une moyenne tout à fait exceptionnelle et qui prouve l’excellence des méthodes adoptées ; elle démontre aussi qu’il est facile d’agir sur une quantité restreinte d’enfans dont on a le loisir d’étudier le caractère et de reconnaître les aptitudes. Les succès moraux obtenus dans ces maisons sont la condamnation des établissements d’enseignement et autres dont la population nombreuse, — parfois six cents élèves, souvent plus, — neutralise toute bonne influence, multiplie les mauvais exemples, courbe les enfans les moins semblables sous une règle que l’uniformité rend absurde, et conduit d’échec en échec à des résultats négatifs. On peut dire avec certitude que toute maison d’éducation contenant plus de cent écoliers est condamnée à l’impuissance.

L’excellente organisation que je viens de voir fonctionner rue des Rosiers, je la retrouve boulevard Bourdon, à « l’école de travail pour les jeunes filles israélites, » qui est une fondation et une propriété particulière. Nous avons déjà constaté et nous constaterons encore que, dans le monde israélite riche, on possède des institutions de bienfaisance comme on possède une galerie de tableaux ou une écurie de chevaux de course. A l’opulence ainsi comprise, on ne peut qu’applaudir. C’est exclusivement à M. Louis et à Mme Amélie Bischoffsheim que l’on doit la création de cet établissement, dont l’influence rayonne jusque dans les pays d’Orient ; en mourant, ils l’ont laissé à leur famille, qui a accepté le legs avec gratitude et le développe avec persistance. Mme Jules Beer, la fille des fondateurs, surveille la maison, la visite souvent, assiste aux examens, n’y ferme jamais sa bourse et connaît la valeur personnelle de chacune des élèves qu’elle aime à nommer ses filles. Comme toutes les œuvres bien conçues, celle-ci a pris un accroissement rapide. On l’inaugura, le 1er mai 1872, dans un local loué à cet effet place de l’Arsenal, n° 6 ; on comprit tout de suite qu’il y aurait un intérêt moral à s’agrandir et à s’installer convenablement d’une façon définitive. M. Louis Bischoffsheim acheta un terrain sur le boulevard Bourdon