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de vraies larmes, et le Dieu qui s’est fait semblable à nous ne veut plus ni des oraisons banales, ni des hommages indifférens.


III

Le premier par le temps, et peut-être par le génie, des musiciens d’église, est Palestrina. Il parut à l’époque où mouraient les derniers enfans de la renaissance, dans ces années indécises, où s’achevait la genèse de l’esprit nouveau :


Siècle mystérieux, où la science sombre
De l’antique dédale agonisait dans l’ombre ;
Tandis qu’à l’autre bout de l’horizon confus,
Entre Tasse et Luther, ces deux chênes touffus,
Sereine, et blanchissant de sa lumière pure
Ton dôme merveilleux, ô sainte architecture !
Dans ce ciel qu’Albert Dure admirait à l’écart,
La musique montait, cette lune de l’art.


Ainsi parle le poète des Rayons et des Ombres. C’est bien, comme il le dit, du XVIe siècle, et de Palestrina, le grand maître pieux, que date la musique. Mais Victor Hugo, qui n’aimait pas la musique, et ne la savait guère, jugeait assez mal Palestrina. Il en faisait un génie trop soucieux du monde extérieur, trop curieux et trop épris de la nature, ouvrant son âme


Alors que le printemps
Trempe la berge en fleurs dans l’eau des clairs étangs,
Que le lierre remonte aux branches favorites,
Que l’herbe aux boutons d’or mêle les marguerites.


Cette note romantique détonne ici comme un anachronisme. L’auteur de la messe du pape Marcel ne cherchait son inspiration que dans le sentiment religieux ; elle vient de Dieu seul et ne conduit qu’à Dieu. Il y a même une certaine dissonance entre la musique de Palestrina et son époque. Le siècle alors n’était rien moins qu’ascétique. Le mouvement de la renaissance, précipité par les papes, les avait un peu entraînés : lettrés et dilettantes, le Dieu qu’ils représentaient n’était plus le Dieu des pauvres, même des pauvres d’esprit. Benvenuto ne pouvait orner de pierres assez précieuses la tiare d’un Médicis. Les murs du Vatican se couvraient de chefs-d’œuvre indifféremment profanes ou pieux. La cour