Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

furent de ceux qui toujours pacifient, et l’on goûte une joie tranquille avec ces rares esprits qui ne connurent pas plus le laid qu’une âme d’enfant ne connaît le mal, avec ces jeunes hommes qui rendirent à Dieu leur génie immaculé tel qu’ils l’avaient reçu.

Comme toute œuvre de Mozart, et peut-être plus encore, le Requiem est fait de tendresse et de pureté. Toute raideur, toute froideur primitive a disparu de cette musique ; les dernières ombres se sont évanouies. La fugue traditionnelle, plus rare et plus avenante, fait presque aimer ses retours sérieux. Parfois la mélodie se développe encore avec une rigueur digne de Bach, mais le plus souvent avec une liberté nouvelle, avec un amour incessant de la beauté. Les lignes glissent autour de la phrase de Mozart comme aux flancs de marbre de la jeune Psyché. L’oreille est constamment caressée par des cadences exquises. Partout la grâce et le charme flottent sur des prières attendrissantes, sur des harmonies qui fondent le cœur. Mozart parlait aux hommes une langue si pure, qu’il a pu parler la même à Dieu. Nul effort ne lui fut nécessaire pour se hausser au style divin : le Requiem est aussi simple, aussi ingénument beau que la Flûte enchantée.

Il faudrait analyser les douze morceaux qui le composent : l’introduction, le Tuba mirum, étonnante série de mélodies qui naissent les unes des autres, l’entrée menaçante de la basse, l’éclat déchirant du ténor et l’intervention des voix de femmes se joignant à la plainte commencée. Des chœurs terribles se perdent dans un soupir, d’autres s’épanouissent avec une splendeur divine. Enfin, le Confutatis et le Lacrymosa, qui s’enchaînent, sont les deux sommets de l’œuvre. Le génie pathétique de Verdi, dans un Requiem qui pourrait bien être son chef-d’œuvre, et même le chef-d’œuvre de la musique religieuse contemporaine, n’est pas monté plus haut. L’Agnus Dei de Verdi n’est pas plus céleste que le Voca me de Mozart, tremblant sous le courroux de Dieu. Quant au Lacrymosa, jamais le génie humain n’a mis dans un chant, presque dans un mot, plus de douleur et d’épouvante. Le Requiem de Verdi, fortifié de toutes les audaces et des heureuses violences de l’art moderne, est plus dramatique ; celui de Mozart est plus musical. C’est que le maître de Salzbourg fut, au sens strict du mot, le plus grand de tous les musiciens ; ou mieux, comme le disait Gounod, il fut la musique elle-même.


IV

Dans le siècle où nous pénétrons maintenant, le nôtre, le premier des compositeurs religieux est peut-être Mendelssohn. Plus