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donc espérer regagner la masse conservatrice, devenue défiante, que par une politique nouvelle, en la rassurant dans ses intérêts moraux et matériels menacés, et on en revient toujours à cette nécessité d’un gouvernement d’apaisement, de réparation qui reste le premier et le dernier mot d’une situation que la force des choses a créée. On ne donnera pas le change au pays par des jeux de tactique et de polémique.

Le mieux serait assurément de se perdre un peu moins dans toutes ces vaines querelles de partis également embarrassés, et de s’attacher un peu plus aux affaires sérieuses, au budget que M. le président du conseil a préparé pour la rentrée des chambres, à cet essai de mobilisation qui vient de se faire autour de Toulouse, dans les régions du Languedoc. Ce n’est point, certes, que la curiosité et l’attention aient manqué à ce déploiement partiel et nouveau de nos forces militaires, à cette mobilisation du 17e corps de notre armée. Peut-être même y a-t-il eu trop de curiosité agitée et futile, — trop de stratégistes de bonne volonté en campagne, trop d’historiographes accourus comme à une représentation et impatiens d’expédier leurs bulletins de fantaisie, leurs récits tout préparés. Peut-être, à vrai dire, cette expérience aurait-elle gagné à être moins escortée, moins entourée d’un bruyant apparat, à rester une opération sérieuse et discrète, laissée aux soins et au zèle des chefs de notre armée, de nos officiers. Notre malheur est de tout transformer en spectacle, de ne pouvoir rien faire sans occuper le monde entier d’un simple embarquement de troupes ou de la cuisine de nos soldats dans leur bivouac. Cette mobilisation du 17e corps, dégagée d’un certain apparat factice, ne garde pas moins un singulier intérêt. M. le ministre de la guerre, qui a voulu assister au dernier acte de cette représentation militaire et qui a tenu à haranguer les officiers rassemblés autour de lui dans un banquet, a dit que la mobilisation était devenue une nécessité, ne fût-ce que pour dissiper les doutes qui s’étaient élevés et qui pouvaient être une faiblesse. Ceux qui ne voyaient pas dans la mobilisation un intérêt des plus pressans n’avaient aucun doute ni sur le dévoûment de nos soldats ni sur l’habileté de nos officiers. Ils pensaient seulement que cette expérience n’aurait rien de décisif, parce qu’elle n’offrirait qu’une image lointaine, très approximative de la guerre, que, de plus, la dépense dépasserait probablement toutes les prévisions, et que ce qu’elle coûterait pourrait être utilement employé à fortifier d’autres parties de notre organisation militaire.

De toutes ces questions soulevées par la mobilisation, une seule est parfaitement résolue. On peut dire aujourd’hui que, par elle-même, cette opération si complexe, si minutieuse, qui embrasse tant de services divers, s’est accomplie de la manière la plus heureuse. Qu’il y ait eu des lacunes, des défectuosités de détail, c’est possible, c’est vraisemblable ; c’est l’affaire de nos officiers de rectifier, de perfectionner