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il est dans le guêpier, et il n’en est plus à s’apercevoir qu’il est plus facile d’aller à Sofia à travers des ovations habilement préparées que d’y rester. Arrivé depuis quelques semaines, il est déjà aux prises avec toutes les difficultés intérieures. Dès les premiers jours, il a pu perdre quelques-unes de ses illusions ; il a vu ce qui l’attendait à la peine qu’il a éprouvée pour former un ministère. Il le voit à tout instant depuis aux résistances et aux défiances qu’il rencontre. Isolé dans son palais de Sofia, le prince Ferdinand n’est pas même sûr de trouver une fidélité complète dans l’armée, qui a gardé le souvenir du prince Alexandre ; il est menacé par les insurrections militaires, qui ne sont pas impossibles, ou par les invasions des émigrés bulgares, qui rôdent autour des frontières. D’un autre côté, il a visiblement soulevé des susceptibilités religieuses ; il est du moins accueilli avec une réserve significative par le clergé, qui obéit aux instructions de l’exarque de Constantinople, et c’est probablement pour déjouer cette opposition que le gouvernement de Sofia a songé à tirer de son couvent un vieil exarque dépossédé il y a dix ans. Bref, l’état intérieur de la Bulgarie n’est rien moins que rassurant, et serait bien fait pour inspirer au souverain de quelques jours ces idées de retraite dans ses terres de Hongrie ou d’abdication qui lui étaient récemment prêtées ; mais de toutes les difficultés de cette aventureuse entreprise, la plus grave est sans nul doute dans les complications extérieures qui ne pouvaient manquer de se produire, qui se sont déclarées aussitôt et qui rendent l’établissement du prince Ferdinand à Sofia à peu près impossible.

C’est là, en effet, la question aujourd’hui. En réalité, le prince Ferdinand de Cobourg est seul devant l’Europe, qui a refusé de le reconnaître, qui voit dans son avènement une illégalité diplomatique, une violation du droit international créé par le traité de Berlin. Les sympathies qu’il peut trouver dans quelques cabinets restent discrètes et ne vont pas jusqu’à un appui décidé. L’opposition de la Russie, au contraire, est nette, formelle, déclarée ; la Russie ne reconnaît pas plus le prince Ferdinand qu’elle n’a reconnu tout ce qui s’est fait en Bulgarie depuis deux ans, et elle n’est plus seule à soutenir cette politique. La Porte, qui est en apparence la plus intéressée, puisqu’elle est la puissance suzeraine dans les Balkans, flotte entre toutes les résolutions, craignant de se séparer de la Russie, pressentant bien que, si le traité de Berlin doit disparaître par suite de ces affaires bulgares, c’est elle qui est exposée encore à payer les frais de l’aventure. Comment sortir de là et arriver à un dénoûment ? On a dit récemment que la Russie aurait été disposée à se concerter avec la Porte pour aller rétablir l’ordre légal en Bulgarie ; on a même prononcé le nom de l’officier russe qui serait envoyé avec un commissaire ottoman à Sofia, et on a ajouté que cette mission restauratrice serait à l’heure qu’il est l’objet d’une négociation poursuivie en Europe ; mais il est