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faite, tant que les répugnances de l’Autriche n’étaient pas vaincues, le prudent monarque n’avait garde de lâcher le gage avant d’en tenir la valeur, et de se dessaisir du prix avant d’avoir la chose. Aussi donna-t-il à ses plénipotentiaires à Francfort l’instruction de protester dès le premier jour contre l’irrégularité même de la réunion, en s’abstenant d’y participer. Le motif de leur retraite dut être tiré des dispositions de la fameuse bulle connue sous le nom de Bulle d’or, qui imposait pour la validité d’une élection impériale les conditions suivantes : 1° légitimité des pouvoirs de tous les électeurs ; 2° pleine indépendance de la diète électorale ; 3° de la part des votans eux-mêmes, absence de tout engagement préalable qui pût enchaîner la liberté de leurs suffrages. — Or, suivant l’instruction prussienne, aucune de ces exigences de la Bulle d’or n’allait recevoir satisfaction. En premier lieu, on annonçait l’intention d’accorder à Marie-Thérèse la représentation de la voix électorale de Bohême, contrairement au droit reconnu et pratiqué dans l’élection précédente. — De plus, la seule présence des troupes autrichiennes autour de Francfort exerçait une pression matérielle indue. — Enfin, tout le monde savait que, par un article additionnel du traité de Fuessen, l’électeur de Bavière avait promis sa voix au grand-duc, à telles enseignes qu’en garantie de l’exécution de cette promesse, des garnisons autrichiennes occupaient encore quelques-unes des places fortes de Bavière. L’opération étant par tous ces motifs nulle et viciée en principe, ce serait se rendre complice de l’irrégularité que d’y intervenir.

Telles furent les conclusions que les ministres prussiens eurent ordre de développer, après quoi ils devaient se retirer, et, bien que présens à Francfort, y demeurer comme s’ils n’y étaient pas. La même ligne de conduite fut prescrite, toujours par le conseil de Frédéric, au représentant du jeune électeur palatin, le seul des membres de la diète qui eût imité l’exemple de la Prusse et qui, bien que très vivement sollicité, même menacé et déjà maltraité par l’Autriche, ne lui avait pas encore fait sa soumission. Prusse et Palatinat durent marcher tout de suite et tout le temps du même pas[1].

Des diverses allégations de l’instruction prussienne, la dernière peut-être était un peu surprenante de la part d’un prince qui, au moment où il incriminait les engagemens pris par l’électeur de Bavière, se mettait en mesure d’en contracter lui-même à Hanovre de tout semblables. Mais Frédéric, on le sait, était l’homme du monde le moins embarrassé pour reprocher amèrement à autrui ce qu’il faisait lui-même sans scrupule. A cela près, les griefs étaient assez fondés : ils auraient même pu être plus nombreux. Il en était un en

  1. Droysen, t. II. p. 451. — Pol. Corr., t. II, p. 273.