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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 septembre.

Ce n’est point assurément une situation facile qui est faite à la France, en partie par la fatalité des événemens, en partie par ceux qui ont la prétention ou la fortune de conduire ses affaires. La vérité est qu’il faut que notre nation ait un ressort extraordinaire, une singulière puissance de vie pour avoir résisté depuis dix ans à toutes les influences meurtrières, à la tyrannie des paras et à l’action des mauvais gouvernemens. Elle a vécu cependant et elle vivra, parce qu’elle garde à travers tout sa souple et vigoureuse nature, parce qu’elle est le plus souvent étrangère à tout ce tapage de politique artificiellement violente et agitatrice, dont elle peut souffrir par momens sans en être indéfiniment la dupe. La France en est évidemment venue aujourd’hui à sentir sa situation. Elle se sent mal gouvernée, entraînée par des passions qu’elle ne partage pas, déçue dans ses vœux de tranquillité laborieuse et féconde, violentée ou contrariée dans ses intérêts, épuisée dans ses ressources; elle sent son mal, et avec la confiance qu’elle tient de sa généreuse nature, elle est impatiente de retrouver une autre direction, une autre politique, de rentrer, sous des chefs moins aveuglés, dans une voie où elle puisse librement déployer ses facultés et tes forces. Comment et dans quelle mesure se réalisera ce retour ou cette évolution, comme on voudra l’appeler? C’est ce qui ne cesse de se débattre depuis quelque temps entre les partis, les uns s’efforçant de retenir une domination dont ils ont abusé; les autres, avec des nuances diverses, sentant la nécessité de s’arrêter, de rendre au pays ce qu’il demande, une politique de paix civile et de réparation. Au fond, c’est de cela qu’il s’agit dans tout ce tourbillon de polémiques, de discours, de manifestes et de programmes du jour. Chacun veut donner sa consultation. La grande affaire est de rester dans la vérité des choses, de ne pas dépasser la mesure, et là est justement le danger