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autre côté, une entrevue de chanceliers. Le ministre des affaires étrangères d’Autriche, le comte Kalnoky, vient de se rendre dans une des résidences de M. de Bismarck, à Friedrichsruhe, et cette visite se rattache évidemment à ce travail de négociations qui se poursuit aujourd’hui. Ce qui s’est passé à Friedrichsruhe, ce qui a été l’objet précis des entretiens de M. de Bismarck et du comte Kalnoky, on ne le sait pas encore naturellement. On peut présumer, sans doute, que ce qui s’est dit à Friedrichsruhe n’a pas dû ressembler à ce qui se serait dit à Stettin si l’empereur Alexandre y était venu. Il est assez vraisemblable que, sans trop s’engager, le chancelier allemand aura mis tout son art à rassurer l’Autriche, un peu émue de ses récentes évolutions, et qu’il aura cherché avec le comte Kalnoky un moyen de débrouiller les affaires bulgares en évitant ce que le cabinet de Vienne redoute le plus, une intervention russe dans les Balkans. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on en est toujours à chercher, à négocier, à s’observer, et que, pendant ce temps, la Bulgarie semble plus que jamais livrée au hasard, à l’anarchie, qui est la suite inévitable de deux années d’interrègne et de révolution.

Le nouveau gouvernement du prince Ferdinand de Cobourg se flatte toujours, il est vrai, de s’organiser et de s’établir; il a même levé l’état de siège pour les élections qui se préparent. Malheureusement, ce n’est là qu’une apparence. La situation de la principauté n’est pas moins profondément troublée. L’opposition, au lieu de diminuer, ne fait que s’accentuer; elle se manifeste partout, sous toutes les formes, et pour la vaincre, pour la contenir, le gouvernement a recours à tous les expédiens sommaires de répression et de compression. En paraissant renoncer aux moyens extraordinaires que lui donnait l’état de siège, il n’en fait ni plus ni moins. Comme tous les pouvoirs faibles, il ne se soutient que par l’arbitraire et la violence, permettant tout à ses partisans, emprisonnant ses adversaires, encourageant des passions contre lesquelles il ne peut pas même protéger les étrangers. Ces jours derniers encore, il a été exposé, pour quelque sévice commis contre des Allemands, à être pris à partie par l’Allemagne. Il a donné toutes les satisfactions possibles pour se tirer d’affaire, et il n’a pas moins continué à exercer ses violences, sans doute pour mieux préparer le scrutin d’où va sortir une assemblée nouvelle. En réalité, l’anarchie est dans l’administration comme dans le pays, de sorte que la Bulgarie ne cesse de se débattre dans cette situation tourmentée qui dure depuis deux ans, à laquelle ne peut remédier un gouvernement contesté, qui est pour l’Europe une raison de plus en plus pressante de prendre un parti.

Reste à savoir ce que veut l’Europe et ce qu’elle peut, ce qui sortira de tous les sanhédrins de la diplomatie, où l’on cherche « la solution à donner aux difficultés bulgares. » Il n’y a, dit-on, qu’à rétablir dans