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à Pesth, des diètes provinciales partout. Le problème a été à peu près résolu par le dualisme avec la Hongrie; il ne l’est peut-être pas aussi complètement avec les autres races, avec les Slaves du reste de l’empire.

Depuis sept ou huit ans, le chef du ministère qui existe à Vienne, le comte Taaffe, a pris le rôle de conciliateur, de modérateur entre les races. Il s’inspirait certainement d’une nécessité supérieure dans la situation nouvelle de l’Autriche, d’une idée libérale de transaction ; il pensait aussi rattacher plus fortement les Slaves autrichiens à l’empire. Il a sans doute réussi jusqu’à un certain point à apaiser les rivalités, les incompatibilités les plus ardentes par de larges concessions aux nationalités diverses; il est du moins arrivé à ramener au parlement de Vienne les représentans de certaines races qui avaient jusque-là refusé de siéger dans une assemblée où dominaient les élémens allemands. Cette politique de conciliation, qui est depuis quelques années au pouvoir à Vienne, elle n’a cependant réussi qu’en partie, et elle a produit un résultat qui est peut-être aujourd’hui un embarras pour le ministère. D’un côté, elle a soulevé les colères des Allemands irrités de se voir dépossédés de leur ancienne prépondérance dans les affaires de l’empire; d’un autre côté, elle a plus que jamais ravivé et enflammé dans certaines régions, notamment en Bohême, l’esprit de race, la passion jalouse de nationalité. Les Tchèques se sont armés des concessions qu’on leur faisait pour réclamer des concessions nouvelles, pour revendiquer leurs droits historiques. Ils ont eu des exigences croissantes, des ambitions d’indépendance. Dans ces derniers temps, dans des momens qui pouvaient être critiques, ils n’ont pas non plus déguisé leurs affinités panslavistes, leur attachement pour la grande protectrice des Slaves, et un de leurs journaux est allé récemment jusqu’à déclarer que jamais un de leurs représentans ne voterait un crédit pour aider l’Autriche dans une guerre avec la Russie. Ils ne cachent pas leurs vœux pour le tsar. Après avoir été longtemps opprimés par les Allemands maîtres de l’empire, les Tchèques, à leur tour, se font un peu les oppresseurs des Allemands qui résistent, et un des incidens les plus curieux de cette lutte est certainement l’agitation qui vient de se produire à l’occasion des élections pour le renouvellement partiel de la diète de Prague.

Les circonstances mêmes qui ont nécessité et accompagné les récentes élections de Bohème sont caractéristiques. Il y a quelque temps déjà, les Allemands, qui sont en minorité dans la diète de Prague, ont présenté une motion par laquelle ils demandaient une séparation, au point de vue administratif, entre les districts où l’élément germanique domine et les districts où domine l’élément slave. Leur motion a été repoussée sans discussion, et les Allemands, imitant ce qu’ont fait si souvent les Tchèques dans les assemblées autrichiennes où ils