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du Vatican et du Quirinal, de la Bulgarie et de la politique russe, des éventualités de guerre, des aspirations italiennes dans la Méditerranée ou ailleurs? Les détails importent peu. La vérité est que l’entrevue de Friedrichsruhe n’est sans doute que la manifestation ostensible d’une alliance qui existait déjà, à laquelle les deux interlocuteurs, par des raisons différentes, ont tenu à donner une sorte d’authenticité nouvelle devant le monde. L’alliance existe, c’est entendu! Elle n’a d’autre objet, assure-t-on, qu’un intérêt défensif, le maintien de la paix : c’est convenu, M. Crispi le dit. Malheureusement, ces combinaisons ont le plus souvent l’inconvénient d’avoir de mauvaises apparences et de prêter à de dangereuses équivoques. Contre qui l’Italie éprouve-t-elle le besoin de se défendre de concert avec l’Allemagne et avec l’Autriche? Qui met la paix en péril? Les menaces, s’il y en a, ne peuvent venir que de ces coalitions qui ont toujours l’air de répondre à d’autres combinaisons, d’être un instrument de guerre.

Que M. de Bismarck, qui sait se servir de tout et de tous, selon l’occasion, se croie intéressé à lier le plus de monde possible à sa politique, on le comprend. Que peut gagner l’Italie, pour sa part, à prendre un rôle dans tous ces arrangemens défensifs ou offensifs? Elle trouve une satisfaction de vanité à traiter de pair avec les puissances impériales, c’est possible ; elle peut compromettre aussi d’autres intérêts qui ne sont pas moins sérieux. Elle avait, ces jours derniers encore, à Paris, des plénipotentiaires d’élite chargés de négocier un traité de commerce utile aux deux pays; l’entrevue de Friedrichsruhe n’est peut-être pas de nature à faciliter ces négociations. Ces plénipotentiaires, aussi bien que les délégués italiens, qui sont ici pour préparer la participation de leur pays à l’exposition de 1889, n’ont cessé, dit-on, de témoigner la plus cordiale sympathie pour la France. Ils exprimaient, nous n’en doutons pas, les sentimens de la nation italienne et de ses représentans les plus éminens, les plus éclairés ; mais alors qu’est-ce qu’une politique qui, pour des alliances d’ostentation ou d’ambitions chimériques, sacrifierait les relations les plus naturelles, les intérêts les plus pratiques de deux nations que rien ne sépare, qui ont, au contraire, tant de traditions et de souvenirs communs?

De toutes les questions qui préoccupent pour le moment l’Europe et ont plus ou moins leur place dans toutes ces combinaisons auxquelles s’essaient les politiques, la question bulgare est toujours certainement une des plus pressantes. Le gouvernement qui régit la Bulgarie, sans s’inquiéter des délibérations de la diplomatie, a jugé nécessaire de recourir à une assemblée nouvelle. Il a fait, ces jours derniers, ses élections dans la Roumélie comme dans la principauté bulgare, et naturellement il a eu le succès de scrutin qu’il s’était préparé. Il avait pris soin, en effet, de préluder aux élections par tous les procédés d’une terreur salutaire, en emprisonnant ou expulsant