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race. La foi qu’il avait dans les vertus de la sainte-alliance, et qu’il puisait dans les traditions de sa famille, s’ébranla peu à peu au contact irritant et décevant des affaires. La lumière se fit dans son esprit ; il rompit avec la politique de 1850, il s’appliqua par tous les moyens réguliers ou irréguliers à déchirer les liens que l’Autriche avait imposés à son pays. L’école historique, qui cherche dans les petites causes les grands effets, a le droit de triompher devant cette conversion inattendue, radicale. Des causes secondaires, des blessures d’amour-propre ont donné le branle au politique qui, en peu d’années, a transformé le monde. Dès lors, M. de Bismarck poursuivit la revanche ; il se souvint à toute heure que la monarchie prussienne avait failli être démembrée par les deux Hesse, la Saxe, le Hanovre, la Bavière et l’Autriche ; il n’oublia plus qu’après avoir formé une confédération restreinte avec quelques petits états du Nord, la Prusse avait dû abjurer ses ambitions et rentrer humble et repentante, les mains liées, dans le giron fédéral.


III. — OLMÜTZ.

Le sort du royaume s’était trouvé un instant, en effet, par le fait des irrésolutions de Frédéric-Guillaume IV, entre les mains du prince de Schwartzenberg, un homme d’état énergique, décidé à régler les vieux comptes, « à avilir la Prusse avant de la démolir, » et à effacer de l’histoire d’Allemagne ce que M. de Beust se plaisait à appeler l’épisode de Frédéric II. Les armées coalisées n’attendaient plus qu’un signal pour s’ébranler et procéder à l’exécution fédérale de la Prusse par l’envahissement de son territoire, lorsqu’on apprit, inopinément, que le ministre de François-Joseph, au désespoir de ses alliés, la Bavière, la Saxe, le Hanovre, le Wurtemberg, Bade, Nassau et les deux Hesse, avait accepté l’entrevue que le conseiller de Frédéric-Guillaume, le baron de Manteuffel, avait sollicitée à Vienne, sur les injonctions, disait-on, de l’empereur Nicolas. Le comte de Beust raconte dans ses Mémoires que le contre-ordre, parti si inopportunément de Vienne, remua sa bile au point d’inquiéter son médecin. Ne pas jouer une partie gagnée d’avance, laisser échapper l’occasion de brider, une fois pour toutes, l’ambition prussienne lui paraissait impossible. Ses regrets ne devinrent que plus cuisans, lorsque « celui qui est aujourd’hui empereur d’Allemagne » lui avoua que, si les armées fédérales n’étaient pas entrées à Berlin, au mois de janvier 1851, c’est qu’elles ne l’avaient pas voulu. Les fautes se paient et les occasions perdues