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certain point leur compte. C’est du moins ce que permettrait de supposer le passage suivant d’une lettre adressée par Léopold Robert à ses parens peu de jours après celui où l’incident rapporté ci-dessus s’était produit :

« Le lendemain du 1"octobre, écrit Robert, nous allâmes, Rioult (le second prix de peinture de cette année) et moi, faire visite à M. David ; il nous reçut parfaitement. « Eh bien ! nous dit-il,.. mes ennemis, sans qu’ils s’en doutassent, m’ont fait grand bien hier en me mettant en parallèle avec les Bourbons. » Nous eûmes l’air de demander une explication. « Comment, mes amis, vous ne savez pas que j’ai été député avec Carnot, Cambacérès et autres grands hommes ; enfin, que j’ai figuré dans la Révolution, et que nous avons fait notre possible pour rendre la France heureuse ? — Nous étions bien jeunes alors, lui dîmes-nous : nous n’en avons entendu parler que vaguement. — Eh bien ! hier, le président de la classe vint me dire : Monsieur David, je vous estime beaucoup ; je viens en conséquence vous engager à vous retirer ; vous seriez sans doute fâché de vous trouver avec un Bourbon. — Monsieur Taunay. lui ai-je répondu, le vin est tiré, il faut le boire ; je suis ici à ma place, je resterai. — Mes ennemis, voyant ma fermeté, cherchèrent les moyens de taire mon nom. Le maître des cérémonies alla vous avertir de ne pas embrasser vos maîtres ;… mais les programmes qu’on avait répandus firent faire beaucoup de réflexions aux assistans. »

David, on le voit, se méprenait assez ridiculement ou il se consolait avec une singulière complaisance, quand il attribuait au procédé dont on avait usé envers lui la veille la signification « d’un parallèle » entre sa personne et la famille des Bourbons. Il se trompait plus gravement encore en s’applaudissant de la manière dont il s’y était pris jadis pour faire le bonheur de la France, — sauf, il est vrai, à omettre prudemment de citer Robespierre et Marat parmi « les grands hommes » qu’il avait eus pour collaborateurs dans cette généreuse entreprise ; mais il avait raison de se féliciter d’être, à l’heure de l’injure, resté à la place qui lui appartenait sur les bancs de l’Institut. Son tort est de ne l’avoir, en 1814, occupée que cette fois et de s’être, seul parmi ses confrères, dérobé jusqu’au printemps de l’année suivante aux devoirs que son titre lui imposait.

Tandis que, tout entiers à leur tâche réglementaire, les membres de la quatrième classe s’appliquaient sans bruit à la continuer, au dehors plus d’un effort était tenté, plus d’une intrigue se nouait en vue de les déposséder de leur situation officielle et pour arriver, sous prétexte de progrès, à reconstituer à peu près ce qui avait été détruit avant la fin du XVIIIe siècle. Pendant les dix-neuf