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toute la ville ; chacun en a parlé dans son sons. Quelques-uns ont voulu y voir autre chose que le simple accomplissement de mon devoir ; le gouvernement pontifical lui-même s’en est inquiété,.. et, parmi un bon nombre de Français qui se trouvent à Rome, trois, à ma connaissance, non-seulement m’ont blâmé, mais excitent encore contre moi, autant qu’il dépend d’eux, l’indignation publique. On accuse aussi les pensionnaires, bien que ces jeunes gens n’aient donné aucune prise aux reproches. J’ai cru, monsieur le Président, devoir par votre organe instruire la classe de ces faits qui ne peuvent lui être indifférens… »

L’indifférence des membres de la quatrième classe pour les incidens dont il leur était ainsi rendu compte était effectivement d’autant moins présumable, et leur approbation de la conduite tenue à Rome par Lethière d’autant plus naturelle, qu’eux-mêmes, à Paris, avaient observé une réserve pareille durant la période qu’ils venaient de traverser. Tout en se soumettant au pouvoir établi à l’époque de la première restauration, ils s’étaient abstenus de ces engagemens hâtifs, de ces bruyantes protestations de zèle au moyen desquelles d’autres hommes mêlés de beaucoup plus près qu’eux aux affaires sous le dernier gouvernement s’efforçaient de faire oublier la part qu’ils y avaient prise et répudiaient sans vergogne le passé.

Après le retour de Napoléon, l’attitude de la classe des beaux-arts avait été la même. Ce n’était pas un des siens, c’était un membre de l’Académie française, Étienne, qui, lors de la première réception de l’Institut aux Tuileries, avait, dans une harangue louangeuse jusqu’à la flagornerie, remercié l’empereur des bienfaits qu’il répandait ou qu’il allait répandre sur la France délivrée par lui du joug des Bourbons. Enfin, la classe ne s’était pas plus associée aux diatribes de David contre les partisans, vrais ou supposés, de l’ancien régime, qu’à son enthousiasme impérialiste et à son adhésion publique aux articles de « l’Acte additionnel. » Les confrères du peintre avaient vu dans la visite que, peu après son retour, l’empereur lui avait faite, un hommage légitime au talent d’un artiste célèbre entre tous[1] et, de plus, le décret qui,

  1. Cette visite de Napoléon à l’atelier que David occupait alors à la Sorbonne et où il venait d’achever le tableau des Thermopyles eut lieu dans le courant du mois d’avril 1815. Après un examen de quelques instans, Napoléon, moins sensible sans doute aux mérites pittoresques de l’œuvre qu’aux souvenirs héroïques et aux exemples qu’elle impliquait, dit au peintre en se retirant : « Très bien, monsieur David ! continuez à honorer la France. J’espère que des copies de votre tableau ne tarderont pas à être placées dans les écoles militaires. Elles rappelleront aux jeunes élèves les vertus particulières de leur état. » Le jour même, l’empereur nommait son premier peintre commandeur dans l’ordre impérial de la Légion d’honneur.