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sociale du mari, celle de sa femme, donnaient à ce procès un grand retentissement ; le résultat semblait certain, mais l’accusée niait, arguait d’un dépôt confié par une amie dont elle se refusait à donner le nom, affirmant qu’elle ignorait de qui étaient les lettres. Les complices, bien connus, se renfermaient dans le même mutisme. Assignés comme témoins, ils déclaraient ne rien savoir, ne pas reconnaître l’écriture, et, nonobstant l’évidence, vu l’absence de tout témoignage légal, force fut d’acquitter la coupable et de refuser le divorce au mari outragé.

Est-ce pour éviter un pareil déni de justice que M. Auguste Kuch eut recours au procédé aussi nouveau qu’ingénieux qui lui permit de reconquérir sa liberté, et, du coup, le mit en passe de faire sa fortune ? En 1876, il épousa miss Annie Schneider, jeune et très jolie fille dont il était passionnément épris. Pendant deux années, tout marcha à souhait ; les nouveaux époux vivaient à New-York avec les parens de la jeune femme. Auguste Kuch était photographe et ses affaires, suffisamment prospères, lui permettaient d’entourer sa compagne d’un certain confort. Mrs Kuch, sage et raisonnable, n’abusait pas de l’empire qu’elle possédait sur le cœur de son mari, qui, de son côté, avait en elle la plus entière confiance. Il le lui prouva lorsqu’en juillet 1888, redoutant pour elle les intenses chaleurs de la grande ville, il l’engagea à aller passer quelques semaines en villégiature dans les Catskill mountains, pour y respirer l’air salubre et frais des hauteurs. Ne pouvant y séjourner lui-même, il prit pension pour elle dans un des meilleurs hôtels de la région et l’y installa, promettant de la venir voir aussi souvent que ses occupations lui permettraient de quitter New-York. Peu après le départ de Mrs Kuch, M. Landsman, célibataire, ami de Kuch, s’avisa, lui aussi, sur le conseil de son médecin, d’aller passer quelques semaines à Griffin’s Corner, station estivale, distante de quelques kilomètres de l’hôtel où résidait Mrs Kuch. Sur les instances de son ami, il lui promit d’aller, de temps à autre, rendre visite à sa femme et de l’accompagner dans quelques excursions.

Ainsi fit-il, à la grande satisfaction de Mrs Kuch, qui, dans ses lettres à son mari, se louait fort des attentions de Landsman, lequel, écrivait-elle, venait une ou deux fois par semaine la voir et lui faire faire des promenades en voiture dans les environs. Landsman était, de longue date, l’ami de son mari ; il avait été l’un des témoins de leur union et l’intimité qui existait entre lui et le jeune couple justifiait ses empressemens. Aussi Kuch lui en savait grand gré et en témoignait sa satisfaction dans ses lettres à Mrs Kuch.

Un samedi, l’occasion s’offrit à lui de faire à sa femme une surprise agréable, et, sans la prévenir, il arriva à Margaretsville où il l’avait installée. Il l’y trouva, mais aussi Landsman. Ce dernier lui