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« Ma vie a été emportée loin de moi comme la tente du berger,
Mon existence a été tranchée comme par le tisserand ;
Le fil est coupé ;
Dans quelques heures, tu m’auras achevé.

Ainsi, comme l’hirondelle plaintive, je gémissais,
Je roucoulais comme la colombe,
Mes yeux languissans cherchaient en haut……

Et voilà que tu m’as ramené au salut,
Tu as tiré mon âme de la fosse du néant :
Car tu as jeté derrière toi tous mes péchés.

Le scheol, en effet, ne te célèbre pas ;
La mort ne te loue pas ;
Au fond de la fosse, on ne compte plus sur ta fidélité.

Le vivant, le vivant, voilà celui qui te loue,
Comme je le fais aujourd’hui ;
Le père à ses enfans enseigne ta fidélité.

Iahvé nous a sauvés.
Tous les jours de notre vie on entendra nos lyres,
Auprès de la maison de Iahvé.


Mérodach-Baladan était avec Êzéchias dans des rapports si intimes qu’il crut devoir lui envoyer des ambassadeurs pour le féliciter de sa guérison[1]. Il est probable que le roi de Babylone voulait en même temps l’engager dans une ligue contre Ninive. Ézéchias fit fête aux envoyés et leur montra tout ce qu’il avait de précieux : argent, or, parfums, armes, ustensiles de toute sorte, Isaïe, qui voyait sans doute les conséquences d’une telle alliance, fut mécontent de cette imprudente exhibition. Il réprimanda vivement le roi, et lui annonça, dit-on, qu’un jour toutes ces belles choses seraient transportées à Babylone. Selon des récits relativement modernes, il aurait ajouté que plus d’un de ses descendans serait eunuque dans le palais du roi de Babel. Ézéchias, d’abord ému, se serait rassuré en disant : « Bonne est la parole de Iahvé ! Pourvu du moins que la paix et la sécurité durent autant que moi !.. » Dans cette circonstance, du reste, Isaïe fut encore inspiré par une politique assez sage. La tentative d’indépendance babylonienne à laquelle on attache le nom de Mérodach-Baladan ne paraît pas avoir réussi.

Le règne d’Ézéchias fut d’une trentaine d’années. Ces trente ans virent ce qu’on peut appeler la fondation définitive du judaïsme, par

  1. On soupçonne ici quelque arrangement artificiel de l’historiographie hébraïque, influencée par les prophètes.