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le relèvement du droit d’entrée sur l’orge à 30 cents. Cette théorie de l’égalité de traitement en faveur de la ferme comme en faveur de l’usine est inattaquable au point de vue américain, et les Européens feront sagement de prendre modèle sur le programme que formulait ces jours derniers M. Batcheller, le sous-secrétaire d’Etat au ministère du trésor : « Droits protectionnistes à outrance, c’est-à-dire prohibitifs, contre tous les similaires étrangers de ce que les États produisent ou peuvent produire : entrée libre pour tous les produits, venant de l’extérieur, qui nous font ou doivent toujours nous faire défaut. » Nos économistes, si intraitables sur les questions de principes, libre échange ou protection, peuvent méditer cette formule opportuniste, qui donne la ciel de toutes les résolutions du Congrès à l’égard du commerce et de l’industrie du vieux continent, et dont les républicains d’Amérique, on peut se le répéter, ne se laisseront détourner par aucune remontrance des chambres de commerce et des gouvernemens étrangers. Les congressmen n’ont qu’un maître et obéissent servilement à tous ses caprices, sans nulle velléité de résistance : ce maître absolu est le suffrage universel. De plus, Jonathan se frotte d’autant plus les mains qu’il a conscience d’être ou désagréable, ou nuisible à l’étranger : c’est une vérité constante qu’on ne devrait point perdre de vue de ce côté-ci de l’Atlantique. On y gagnerait de devenir plus réservé dans l’aveu du dommage éprouvé et moins prompt à prêter le flanc à de nouvelles vexations économiques.

Passons au coton, l’article le plus important du commerce universel. Sur ce terrain, les États-Unis sont encore à la tête de la culture et du trafic. En effet, ce sont ses états du sud qui fournissent à tout l’hémisphère occidental 81 pour 100, et à l’Europe seule 66 pour 100 de la consommation totale de cet objet de première nécessité. Les exportations de coton brut s’élèvent, dans ce pays, à 42 pour 100 de tous les autres articles réunis.

La région cotonnière comprend les états situés le long des côtes de l’Océan-Atlantique : elle s’étend depuis le nord de la Caroline du Sud, tout le long du golfe du Mexique, pour remonter jusqu’en Arkansas, en Kentucky, au sud-est du Missouri et à l’est du territoire indien, dernières réserves des tribus, jadis maîtresses du sol et aujourd’hui décimées et refoulées, sans sécurité du lendemain, malgré tous les traités solennellement jurés.

Deux populations d’états se sont longtemps disputé la prédominance du marché cotonnier : celle du Mississipi et celle du Texas. Le Texas a fini par l’emporter. La Géorgie et l’Alabama, qui, jadis, étaient les reines de ce marché, avaient été peu à peu écrasées par la fécondité du sol vierge dont s’emparaient les jeunes états.